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11ème  Saison     Chroniques   11.06   à   11.10    Page  172

 

           

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LA DANSE DE L'ALBATROS

de  Gérald Sibleyras

mise en scène    Patrice Kerbrat

****

Théâtre Montparnasse

Tel:  01 43 22 77 74 

 

   

Depuis 2002 et son "Petit jeu sans conséquences", Gérald Sibleyras semble distiller en pépites d'or toutes les créations théâtrales qu'il livre au public saison après saison, "Le vent des peupliers", "L'inscription", "Une heure et demie de retard" en cumulant deux pièces pour cette rentrée 06-07:

Tout d'abord l'inénarrable et cocardier "Vive bouchon !" et maintenant cette "Danse de l'albatros" au Théâtre Montparnasse, s'apprêtant à prolonger les truculences du vieillissement déjà présentes en 2003 dans la fameuse "maison de retraite des peupliers"...

C'est donc Pierre Arditi qui s'empare de ce sujet de "déclinologie" ambiante, tant à la mode médiatique actuelle, pour le positionner sur les pentes du Vaudeville qu'il affectionnait jusqu'ici sous la direction de Bernard Murat.

C'est ici sous Patrice Kerbrat que l'acteur retrouve leurs marques communes d' "En attendant Godot" tout en les inscrivant dans la lignée d' "Art" alors que cette pièce de Yasmina Reza résonnait déjà, à travers son personnage d'alors, comme un "Phénomène de société":

Ici, c'est la solitude métaphysique qui va tenir le fil conducteur des interrogations sur le quotidien de la relation homme/femme lorsque la différence d'âge sert de catalyseur aux frustrations révélées par un déphasage des affects.

Davantage plongés au sein du choc des générations que dans celui des aléas de l'après cinquantaine, les trois protagonistes se trouvent mutuellement projetés en miroir de leurs propres déficiences psychosociologiques comparées à la jeunesse triomphante d'une débutante dans la vie et par la même occasion sur les planches, Alexia Barlier.

Josiane Stoléru et Jean-Michel Dupuis seront à la fois les partenaires et les contradicteurs d'une danse où chacun devrait reconnaître l'alter ego dans sa spécificité identitaire, à l'instar de l'albatros qui même après une longue séparation est en mesure de reconnaître à coup sûr son conjoint.

Contrairement aux certitudes fondées de l'oiseau, l'homme lui semble se vouer aux affres de l'erreur du choix de partenaire. A tort ou à raison, il rumine a posteriori son égarement supposé et rejette en vrac tout ce qui pourrait lui rappeler la spontanéité de son enthousiasme initial.

Illusions d'optique, perspective en trompe-l'oeil ou prémices du gâtisme ? Sur scène, les quatre comédiens se donnent malicieusement le change en laissant le beau rôle à Pierre Arditi, celui de maugréer de tout son soûl afin de stigmatiser le ressentiment universel.

Theothea le 20/09/06

L'ELEGANT PROFIL D'UNE BUGATTI SOUS LA LUNE

de  Jean Audureau

mise en scène    Serge Transvouez

****

Théâtre du Vieux-Colombier

Tel: 01 44 39 87 00

 

     Photo  DR. Christophe Raynaud de Lage  

     

S'inscrivant dans l'imagerie populaire des monstres légendaires, le "Gilles de Rais" de Jean Audureau s'expose en victime expiatoire de ses propres tourments, celle pour qui l'addiction à la puissance du rêve détermine le désir forcené d'appropriation de cet imaginaire spécifique à l'enfance.

L'ogre boulimique de fantasmes oniriques mais torturé par les maléfices de sa convoitise et tenté par la repentance de ses pulsions criminelles, succombera néanmoins à l'ultime appel symbolisé par "Jean", le  jeune garçon qui sera sacrifié sur l'autel de l'appétence consumériste au nom de son don réputé exceptionnel pour l'art de la rêverie.

Ce conte apparenté à celui d'un Barbe-Bleue devenu voleur de rêves parce que frustré dans son incapacité à en produire lui-même, pourrait trouver sa "chute" quelque part entre "songe" et "mensonge", là où dans les flots troublés de la Loire, l'engloutissement du gourou avec ses proches ferait Rédemption à l'aube d'un jour nouveau.

De parti pris poétique résolument distancié de toutes considérations morales, cette adaptation moderne d'une figure scandaleuse du moyen âge a donné à Jean Audureau l'opportunité d'une écriture théâtrale concernant la mise à l'index et l'exclusion avec tout son cortège de souffrances afférentes.

La mise en scène de Serge Transvouez au Théâtre du Vieux-Colombier est imprégnée de sensualité dévorante au sein d'une jungle proliférant parmi les sentiments contradictoires et renvoyant en miroir abyssal la multiplicité des points de vue que la tentation d'une cure de jouvence peut susciter dans les esprits sensibles.

Certes qu'il est élégant le profil d'une Bugatti sous la lune, mais il ne faudrait pas s'abuser d'un "modèle réduit" à la plus simple expression de la fascination esthétique; c'est pourquoi les comédiens s'emploient à bien différencier, par leur jeu de troupe soudée autour de l'enfant, le rêve magique du cauchemar éveillé.

Theothea le 22/09/06

SI TU MOURAIS...

de  Florian Zeller

mise en scène    Michel Fagadau

****

Comédie des Champs-Elysées

Tel: 01 53 23 99 19

 

     Photo  DR.  Jean-Paul Lozouet  

     

" Et si on chantait... ",  " Et si on jouait à... ",  et d'ailleurs tant qu'à faire " Si tu mourais... ",  pourvu que la motivation ludique reste au centre de nos préoccupations,  peut-être qu'une part de la vérité s'effondrerait enfin pour laisser place au plus beau des rôles du mensonge triomphant... de tous les faux-fuyants en trompe-l'oeil!

En pratiquant ainsi conceptuellement "l'art du qui perd gagne", le jeune auteur Florian Zeller déjà aguerri, nous fait entrer de plain-pied dans les marasmes du sentiment conjugal que va contrôler de bout en bout une Catherine Frot aux commandes d'un redoutable sous-marin, sans périscope de survie, mais en totale immersion dans l'inconscient collectif partagé en autant d'entités de surveillance qu'un puzzle.

Un mari mort accidentellement très récemment, l'homme de sa vie qui disparaît subitement sans laisser de traces tangibles autres que celles de l'inéluctable "redécouverte de soi" qui pourrait le cas échéant en faire surgir le souvenir.

Mais qui est-elle donc celle qui n'entend plus l'écho dans la réflexivité de l'alter ego ? Et qui était-il donc celui dont les traits semblent se dissoudre sous les tentatives de la réminiscence ?

Telle une Don Quichotte au féminin singulier, la voici qui part en quête d'une maîtresse virtuelle via la fortuite découverte de notes d'un roman ébauché dont les pistes pourraient conduire à se perdre autant qu'à clore définitivement leur histoire d'amour initiée jadis sur la côte amalfitaine... unico al mondo!... unico al tempo!...

L'ami du couple (Bruno Putzulu) ainsi que l'amante fantasmée (Chloé Lambert) vont désormais se trouver aux prises avec les doutes paranoïaques de l'épouse livrée au tourbillon des contradictions alors qu'en comédiens professionnels, tous deux pourraient fort bien n'être que les faire-valoir de la créativité théâtrale du disparu (Robin Renucci) pourtant si présent sur scène... à moins que ce soit sa double vie enfin débusquée qui s'impose à eux trois par delà le spectacle du vivant:

"Tu me tiens par la mémoire en me laissant penser ce que tu souhaites imaginer... et vice versa.... et ainsi de suite...".

Michel Fagadau nous convie donc à un jeu de rôles plein d'humour sous-jacent où tel est pris qui croyait surprendre mais surtout où entre réel et imaginaire va se livrer un jeu d'ombres et de lumière sans que l'identité des personnages puisse s'y forger la conviction de connaître le partenaire.

Resté seul avec son scepticisme jubilatoire, Florian Zeller nous abandonnera au vertige du masque qui pourrait fort bien en cacher un autre dans les escaliers, vissant sans fin, de la Comédie des Champs Elysées.

Theothea le 25/09/06

IL CAMPIELLO

de  Carlo Goldoni

mise en scène    Jacques Lassalle

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Comédie Française

Tel:  08 25 10 16 80  

 

     Photo  DR. Cosimo Mirco Magliocca  

     

"Je ne sais pas dire si tu es beau ou si tu es laid... mais beau ou laid, le beau, c'est ce qui plaît. ", ainsi Gasparina fait-elle ses adieux au Campiello avant de quitter définitivement cette placette de Venise pour convoler avec son chevalier à la figure aimante.

"Si la vie est cruelle, souvent incompréhensible et injuste, elle ne cesse pas d'être belle. Le théâtre goldonien est une double et continue déclaration d'amour au monde et au théâtre..." ainsi Jacques Lassalle en renouant ses liens avec La Comédie-Française qu'il administra de 90 à 93, évalue-t-il dans son entretien avec Isabelle Baragan en charge de la communication, la mission de la prestigieuse Maison:

"Après avoir été le contre-modèle, la Comédie-Française est devenue .... notre nouveau Théâtre national populaire"

Que Goldoni puisse ainsi servir de passage de témoin à Muriel Mayette désormais en responsabilité du destin de la troupe de Molière "où chacun sait, tout à la fois, être choriste et soliste", et voilà toutes les pendules qui se remettent à l'heure d'un vocation artistique fédératrice.

Et pourtant derrière la pudeur d'une ambition optimiste, Jacques Lassalle évoque présentement "l'ambivalence, ce que Duras appelait l'ombre intérieure". C'est aussi ce Goldoni-là qu'il veut fouiller, "l'homme des humeurs noires, des graves périodes dépressives, habité par l'intuition d'un arrière-pays soumis à l'inconscient et aux pulsions incontrôlées".

Ainsi en deux ou trois brèves répliques apparemment anodines à propos d'une fleur offerte d'une fenêtre à l'autre, l'auteur est-il en mesure de dépeindre le sentiment d'enfermement, où des jeunes femmes recluses derrières leurs volets s'apprêtent à braver l'interdit quand l'instinct d'insoumission pourrait en un défi radical se transmuer de la provocation jusqu'à la violence: "Si je ne vois personne, je viens moi-même"

Comment ne pas discerner alors derrière les transes de la comédie, la métaphore d'un monde contemporain où le rapport de forces entre dominants et révoltés ne cessent de s'attiser à l'instar d'une tour de Babel édifiant la confusion relationnelle en langage universel ?

Cependant Goldoni vu par Lassalle, c'est aussi la perspective d'une immense nostalgie, celle qui embrase les sens derrière le masque du courroux, celle qui feint la fureur pour mieux cacher l'amour, celle qui anime le jeu de société pour en ressentir son besoin de chaleur.

Il campiello de Goldoni, ce pourrait être "jour de fête" de Jacques Tati ou même "Le fabuleux voyage d'Amélie Poulain", l'ouverture d'un microcosme vers un imaginaire où les vertus de l'âme humaine entreraient en résonance avec l'aspiration d'un monde autre, tout en éprouvant avec délectation "le mal du pays".

Palabres, conciliabules et fêtes vont se dérouler en frasques du carnaval de Venise, c'est donc bien l'esprit de troupe qui fera la ronde à ce temps joyeux livrant sous une musique originale de Jean-Charles Capon, tous les comédien(ne)s à leur vivacité primesautière:

Alain Pralon, Christine Fersen, Catherine Hiegel, Claude Mathieu, Anne Kessler, Denis Podalydès, Jérôme Pouly, Julie Sicard, Loïc Corbery, Léonie Simaga, Grégory Gadebois, Marion Picard, Louis Salkind, Dominique Compagnon et Philippe Gouinguenet.

Theothea le 30/09/06

BEN HUR

de  Alain Decaux

mise en scène    Robert Hossein

****

   

Stade de France

 

    Photo  ©  Y. Dejardin  

     

Vingt-et-une heures passées de quelques minutes en ce samedi 30 septembre 2006 et voici juché sur la plate-forme technique, Robert Hossein qui donne, de son bras soudain abaissé, le signal d'ouverture pour l'ultime cinquième représentation du faramineux projet théâtral de sa vie: "BEN HUR".

Dès l'enfance, il en avait rêvé et voilà qu'à quelques encablures de ses quatre-vingt ans, le comédien devenu metteur en scène de "grand spectacle vivant" touche à l'apothéose de sa carrière qui va être couronnée d'ici à quelque cent minutes par un tour d'honneur du Stade de France sur l'un des chars légendaires:

Micro en main au centre de la scène épique, adressant ses remerciements au public ainsi qu'à toutes les équipes administratives, techniques et artistiques pour cette fabuleuse réalisation aboutie après deux années de créativité et de répétitions sans relâche des onze tableaux conceptualisés avec Alain Decaux son alter ego de partenaire, il pourra alors conclure en démiurge paradoxal: "J'essaierai de faire mieux la prochaine fois !..."

Cependant dès la première seconde du gong Hosseinnien, le ton est donné à l'image arrêtée sur de grandes fresques successives où vont se déplacer des foules humaines en proie à la bataille, à la souffrance et à la mort.

Superbe esthétique picturale figée en instants sublimes par delà le stade du gigantisme et de la multitude.

Pour seule concession aux technologies visuelles, apparaîtront fugitivement sur de petits écrans au pourtour de l'arène antique, le visage des principaux protagonistes lors de leur prestation initiale.

Sur la piste ovale du cirque romain, couleur terre battue tennistique, vont donc pouvoir défiler et s'entrechoquer les hostilités plébéiennes pendant que vont se concevoir et se construire les défis impériaux.

Mais, c'est néanmoins l'amour du prochain qui au travers de la misère universelle dictera la cause du "faible en puissance" face à la lâcheté et la trahison du "fort virtuel":

Ainsi vont notamment se côtoyer les figures emblématiques de Ben Hur (Christophe Héraut), Messala (Franck Sémonin), Ponce Pilate (Henry-Jean Servat) et Jésus (Steven-James Gunnell) sur des toiles où le fond sera peint avec des armées de légionnaires, des contingents de gladiateurs, des cohortes d'esclaves, des hordes de lépreux pour mieux faire triompher la Rédemption d'une humanité déjà tellement menacée à l'époque de Tibère (Gil Geisweiller).

Si la célèbre course de char (cavalerie et cascades: Mario Luraschi) sera tant attendue pour venger l'honneur de Ben Hur dont Myriam la mère (Jacqueline Danno) et Tirza la soeur (Gaëlle Billaud-Danno) furent livrées au bannissement honteux, c'est néanmoins l'assemblage (décorateur: Christian Vallat) en temps réel de la galère victorieuse des barbares qui aura retenu le souffle des spectateurs médusés.

Toutefois de mémoire de stade, jamais cumul de honte et douleurs n'aura-t-il été autant sublimé que par l'arrivée spectaculaire du quadrige vainqueur terrassant, à la force des bras du héros, l'arrogance romaine personnifiée par Messala agrippé aux rênes de son char en perdition et traîné sur deux tours dans le sable détrempé préventivement... par les cieux en signe d'ultime solidarité.

Le sacrifice et le calvaire du Christ pourront alors résonner comme le rachat de toutes les turpitudes et injustices terrestres, autorisant la compassion à civiliser l'histoire de l'homme alors que devait monter du coeur du stade l'immense clameur tellement méritée:

Ave Robert Hossein !

Theothea le 01/10/06

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