Acteur Pasolinien s'il en fût, Damien Mongin fascine autant qu'il
horripile à l'image de cette très jeune compagnie "D'ores et
déjà" dont il symbolise le flamboiement et l'audace.
Effectivement comme l'on sait depuis Corneille que la valeur n'attend
pas le nombre des années, il apparaît avec évidence que
cette troupe mise en scène par Sylvain Creuzevault, se présentant
en public pour la première fois au complet, est un repère de
talents en éclosion à l'instar peut-être de celle du
"Café de la gare" à l'époque héroïque.
Ah! combien de "Patrick Dewaere" pourraient sommeiller en plusieurs d'entre
eux, et pourquoi pas de "Miou-Miou" ?
Néanmoins sans doute plus à l'aise dans l'improvisation
maîtrisée parce qu'expert en animation, leur prestation collective
souffre d'une intensité formelle au détriment d'une véritable
force identitaire.
En conséquence le texte proprement dit donne souvent la sensation
de n'être qu'un alibi au culot scénique dont ils font preuve
constante. Engouement de jeunesse certes, mais peut-être aussi
déficit d'expérimentation sur le ressentiment vécu de
l'intérieur du personnage plutôt que de son comportement.
Toujours est-il que cette deuxième version initiale du Baal de
Bert Brecht datant de 1919 dans une traduction et adaptation de Eloi Recoing
permet de découvrir une création particulièrement originale
de l'auteur âgé alors d'à peine vingt années.
Présenté à l'Odéon Berthier comme une succession
de vingt-huit scènes autonomes reliées par une volonté
de démonstration extravertie et exacerbée, le public composé
ce soir-là pour au moins d'un tiers de scolaires comprend dans l'instant
les plages d'interactivité qui lui sont dédiées et sait
respecter l'instant d'après le silence requis à la
dramaturgie.
L'attitude provocatrice de Baal se traduit dans la scénographie
de Julia Kratsova par une nudité affichée en étendard
complaisant qui ne serait pas sans rappeler les happenings chers aux années
soixante-dix pouvant laisser aujourd'hui un arrière-goût de
désuétude à moins que le modernisme conceptualisé
en soit l'enjeu?
Au demeurant une impression mitigée s'esquisse au terme de 3h30
de représentation avec entracte, mais que le tableau final saura balayer
d'un revers esthétique à neutraliser toutes réserves
inopportunes:
En effet le masque de Baal va s'imposer à tous, qu'on le souhaite
ou pas.
Theothea le 12/10/06