Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

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11ème  Saison     Chroniques   11.31   à   11.35    Page  177

 

               

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DELIT DE FUITES

de  Jean-Claude Islert

mise en scène    Jean-Luc Moreau

****

Théâtre de La Michodière

Tel: 01 47 42 95 22

 

      Photo  DR.  Lionel  Gebede  ;

     

De "Vive Bouchon !" à "Délit de fuites" en passant par la reprise de "Si c'était à refaire", Jean-Luc Moreau est de nouveau sur tous les fronts de la saison 06-07, ceux du "bluff" érigé, pour cause de divertissement fort réjouissant, en "art de vivre" hexagonal.

Le metteur en scène y imprime sa marque de fabrique où le bon goût n'est jamais battu en brèche par l'inconvenance de mots osés ou de gestes déplacés, alors que le tambour battant des quiproquos se télescope avec le chassé-croisé des protagonistes.

De son côté Jean-Claude Islert encouragé par le succès de "C'est jamais facile" en 2005, réinvente l'écriture de son "intrus dans la salle de bains" en conservant le concept de l'accent étranger à couper au couteau et finalise la schizophrénie du personnage dans la dualité d'un maître chanteur.

En effet à la fois politicien et plombier, Michel Bertin va squatter l'appartement d'un cadre divorcé qui sera en compagnie de sa mère omniprésente, la dupe récurrente d'une hallucination versatile confrontée à cette "double casquette".

Un enjeu de quatre millions d'euros en échange d'un disque dur contenant des informations compromettantes sera à la clé d'un chantage à l'égard du prochain premier ministre.

Dans cette perspective, la fuite va prendre des allures métaphoriques où Roland Giraud s'agiterait en cadences synchronisées tel un poisson dans l'eau.

Se travestissant alternativement dans les rôles de politicien véreux, d'ex-amant repenti, de père à son insu, de locataire avec ou sans moustache, Miguel le faux plombier virevolte au gré des multiples versions du mensonge stratégique bien qu' interprété abusivement par ses proches.

Une véritable performance d'acteur que ses partenaires (Elisabeth Bourgine, Patrick Zard, Arlette Didier, Pascale Louange, Delphine Depardieu) relancent en permanence telle une toupie dont lui ne cesserait de corriger l'orbite perfectible en derviche tourneur expérimenté.

C'est ainsi que le public ne s'y trompe pas en choisissant de se divertir avec "Délit de fuites" puisqu'il repart ravi de sa soirée.

Theothea le 15/11/06

MICHEL LEEB one-man show 06-07

 

de & par  Michel Leeb

****

Casino de Paris

Tel: 08 92 69 89 26

 

     Photo  ©   Yann Dujardin 

     

De retour au Casino de Paris, Michel Leeb offre au public son spectacle de la maturité, c’est-à-dire le «meilleur de lui-même». Entouré sur scène par un trio orchestral de très grande qualité, Aldo Frank (pianiste de Charles Aznavour durant 15 ans), Marc Chantereau (percussions) et Dominique Westrich (contrebasse), son one-man show 2006-2007 a la fière allure d’un music-hall jonglant avec les multiples savoir-faire dont il s’emploierait à gommer tout cabotinage et à prévenir toute polémique à connotation politiquement incorrecte.

Ainsi son sketch où il imite l’accent africain n’est pas au programme actuel, a contrario, celui de la mouche tsé-tsé avec sa caricature asiatique clôture son récital avant que d’entonner la fameuse ritournelle du «bar tabac d’en bas».

Couleur Jazz, un rythme soutenu en phase avec les facettes du kaléidoscope dont Michel Leeb zappe les tonalités engendre un véritable concert où les ponctuations du rire s’entremêlent avec celles de la nostalgie, voire même de l’état de grâce (Nat King Cole, Ray Charles, Claude Nougaro....).

Ainsi piochant dans son répertoire trentenaire, l’humoriste apporte au comédien ce que le musicien sait fédérer dans la satisfaction d’être en bonne compagnie avec son public dont le maître mot en commun  serait «fidélité».

Allant même jusqu’à l’inviter à participer sur les planches à une scène d’anthologie théâtrale puisqu’arpentant consciencieusement les rangées du Casino de Paris, l’ex-prof de philo va procéder à un casting subjectif où il se choisira trois partenaires, une femme et deux hommes auxquels il demandera de jouer un scénario avec meutre passionnel dont au final il emportera la mise amoureuse!...

Ce happening «bon enfant» et très drôle devrait signer chaque représentation d’un sceau unique dont le spectacle vivant lui est d’avance forcément redevable, car l’intention pédagogique sous-jacente y est de respecter et valoriser l’expression artistique.

Theothea le 22/11/06

DIVINS DIVANS

de  Eva Darlan & Sophie Daquin

mise en scène   Jean-Paul Muel

****

Théâtre des Mathurins

Tel: 01 42 65 90 00

 

     Photo  DR.  Edouard de Blay  

     

Eva Darlan fait rire Jean-Paul Muel !... Si, assis sur un strapontin latéral en milieu de salle, celui-ci se laisse ainsi surprendre par les répliques au bout d'un mois de représentations au théâtre des Mathurins, c'est plutôt bon signe puisque il est le metteur en scène de ce one-woman show!...

En effet la comédienne affiche une palette expressive d'attitudes et de sentiments contradictoires avec un tel aplomb qu'il est manifestement possible de se faire "cueillir" chaque soir.

Egrenant les meilleures perles d'un collier qu'elle porterait en étendard d'une psychanalyse aboutie en spectacle tout en s'improvisant chroniqueuse d'actes manqués ou autres lapsus, l'analysée revenue de toutes les dérives contextuelles à la cure ose la transgression du non-dit latent, à la fois dans le silence tout autant que dans la logorrhée des séances se succédant à l'infini.

La métaphore de ce cycle s'élabore sur scène en une suite de saynètes dont un signe non trompeur signalera la fin du "transfert"... par l'achèvement de la remise à neuf de l'appartement du psychanalyste.

L'expression artistique étant effectivement le remède privilégié à tous les refoulements, c'est bel et bien en tournant autour du divan comme dans une danse du scalp que la comédienne aura étalé l'attirail psy dont les moeurs à la mode se gargarisent jusqu'au snobisme rhétorique.

Mais ayant enfin compris que pour faire un bon névrosé, il ne suffit que d'un père et d'une mère, la narratrice offrira une tournée générale au bistrot du coin où les malheurs des uns sont censés compenser ceux des autres.

Réglée au millimètre de chaque geste, la mise en scène transporte l'actrice sur une attention maintenue aux salves de rire entre lesquelles elle doit slalomer au mieux pour enfin parvenir à la victoire sur soi-même.... forcément divine!...

Theothea le 23/11/06

LES TEMPS DIFFICILES

de  Edouard Bourdet

mise en scène   Jean-Claude Berutti

****

Vieux-Colombier

Tel: 01 44 39 87 00

 

     Photo ©   Mirco Cosimo Magliocca

     

Dans l'esprit de "Les affaires sont les affaires" d'Octave Mirbeau, "Les temps difficiles" qui exposent en toile de fond la faillite d'une entreprise industrielle lyonnaise annonçant le krach de 1929, dépeignent le milieu social de la grande bourgeoisie en proie à des contradictions éthiques:

En effet, souhaitant concilier l'esprit de famille avec les intérêts vitaux du pragmatisme confrontés aux prémisses d'une absorption patrimoniale, Jérôme Antonin Faure le capitaine d'industrie cherche désespérément à conserver au sein de sa parenté la majorité des parts que celle-ci possède.

Mais ses efforts ne suffiront pas car au dernier moment l'O.P.A. est abandonnée par ses rivaux financiers laissant apparaître un dépôt de bilan inéluctable.

Entre temps le spectateur aura fait connaissance avec chacun des membres de la tribu qui, comme il se doit, cultive ardemment la haine affective enrobée de tout un savoir-vivre dont il est piquant de constater les compromis et les lâchetés.

Les travers stéréotypés et dérisoires de la grande bourgeoisie y culminent en opposant un train de vie quasi oisif et bavard, qui tente vaille que vaille de maintenir son luxe de classe, avec les contraintes très tchekhoviennes de la réalité économique revenant en boomerang de la "belle époque" ayant épuisé son pain blanc.

Cette pièce d'Edouard Bourdet donne l'occasion à Jean-Claude Berutti d'opérer une mise en scène d'entomologiste dans laquelle il est savoureux d'observer se débattre des "insectes" pris au piège de leurs lacunes élevées en système de vie cherchant à se perpétuer.

Un drame purement racinien va se tramer autour d'une Iphigénie de circonstances tendant à l'unir conjugalement avec un fils dégénéré d'une branche voisine en grande fortune, elle-même plus menacée que les apparences le laissent supposer.

Cependant s'embarrassant peu de crédibilité psychologique, la raison fantasque trouvera une issue en trompe-l'oeil aux épineux tracas d'argent attribuant au subterfuge plongé en plein flou artistique un véritable statut moral!...

Jouée par des comédiens campant avec grande justesse des personnages hauts en couleurs contrastées (Catherine Ferran, Dominique Constanza, Catherine Sauval, Bruno Raffaelli, Alain Lenglet, Pierre Vial, Guillaume Gallienne, Christian Cloarec, Madeleine Marion, Denis Leger-Milhau, Valérie Bauchau, Flora Brunier et Pio Marmaï), cette comédie est un régal dont le théâtre du Vieux-Colombier devrait plus souvent nous gâter.

Theothea le 28/11/06

PLUIE D'ETE A HIROSHIMA

de  Marguerite Duras

mise en scène   Eric Vigner

****

Théâtre des Amandiers Nanterre

Tel: 01 46 14 70 00

 

  Photo ©   Fred Nauczyciel / www.see-you-tomorrow.net

     

En effectuant la concaténation de "Pluie d'été" avec "Hiroshima mon amour" pourtant éloignés de trente années dans l'oeuvre de Marguerite Duras et en les présentant enchaînés dans l'ordre inverse de leur chronologie, Eric Vigner trouve un prolongement à l'histoire d'Ernesto seul survivant d'une famille décomposée en flammes mais dont il sera dépositaire de la connaissance immédiate, ne s'embarrassant d'aucun apprentissage scolaire pour comprendre l'Ecclésiaste.

Succédant ainsi à la réplique "Je ne retournerai pas à l'école parce qu'à l'école on m'apprend des choses que je ne sais pas" va donc pouvoir se prolonger la dialectique - "Tu n'as rien vu à Hiroshima. Rien." / "J'ai tout vu.Tout." -

La mise en scène d'Eric Vigner intrique le spectateur non seulement au centre de la narration mais le rend partie prenante en mettant en place un dispositif scénique où des "vides aménagés" dans le plateau constituent autant de points de fuite pour les comédiens tout en permettant de faire surgir le concept ludique de la parole à tout instant et de toutes parts.

Il faut dire que les parents d'Ernesto et ses sisters & brothers auront su l'accompagner dans sa démarche de "surdoué précoce" pour le protéger des matons de la normalité du savoir.

Aussi par la suite l'Amour impossible de Nevers à Hiroshima, consacré par le film d'Alain Renais qu'Eric Vigner n'a toutefois jamais visionné, pourra rendre compte de la dévastation organisée sciemment par les hommes lorsque ceux-ci sont emportés par la primarité de leurs instincts.

Mais cette pulsion de destruction pourra être transgressée par la compréhension sensible d'un monde idéal qu'il serait vain de dénier.

Dans cette Cathédrale des Amandiers que représente la cage de scène totalement dénudée, le public fait corps avec l'écriture de Marguerite Duras à laquelle Eric Vigner adjoint les perspectives fantasques du metteur en scène et de ses graphistes.

Des paravents mobiles de plastique transparent et coloré sont déplacés au fur et à mesure de manière à modeler l'imaginaire au gré d'une relation masculin/féminin qui pourrait sublimer l'Amour dans le conflit de la mémoire avec l'oubli.

Une traînée enflammée dans l'obscurité parcourera le plateau durant des instants totalement magiques de façon à glisser peu à peu du vivant à l'éternité, du tangible au symbolique.

Une formidable énergie se dégage du jeu des jeunes comédiens qui savent faire passer la dignité de l'âme humaine, de la candeur à la fierté, avec une grâce infinie.

Trois femmes enchantent ce poème vivant travaillé par l'oralité musicale, "Elle" l'amante de Nevers (Jutta Johanna Weiss), la mère (Hélène Babu) et la soeur (Bénédicte Cerutti) d'Ernesto que Nicolas Marchand projette dans l'innocence originelle.

Quant aux autres protagonistes masculins ("Lui" Atsuro Watabe; Thierry Godard l'instituteur; Thomas Scimeca le père et Marie Eléonore Pourtois paradoxalement le journaliste),  ils font oeuvre de tact en respectant la fascination de l'indicible.

Theothea le 29/11/06

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