Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

11ème  Saison     Chroniques   11.66   à   11.70    Page  184

 

         

Alain Delon  &  Mireille Darc   SUR LA ROUTE DE MADISON     

Le  JUBILE JUBILANT  de Catherine Samie à  La Comédie Française

   

Le  Bigger Bang    des Rolling Stones   à  Paris

Les Rolling Stones en suspens devant Keith Richards

     

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LA DANSE DE MORT

de  August Strindberg

mise en scène   Hans Peter Cloos

****

Théâtre de La Madeleine

Tel:  01 42 65 07 09 

 

   Photo   ©  Dunn Meas  

                  

Serait-ce un crime de lèse-majesté que de jouer la version longue de «La danse de mort» ?

L’ensemble de la critique semble en effet prise au dépourvu par cette option de Hans Peter Cloos impliquant trois acteurs renommés de la scène dramatique, Charlotte Rampling, Bernard Verley et Didier Sandre.

Voilà en effet qu’à ceux-ci viendraient s’adjoindre, en scène 5, Judith (Ophélia Kolb) et Allan (Matthias Bensa), fille et fils respectifs d’Edgar et Kurt qui, de manière inéluctable, vont s’approprier l'atavisme de destruction conjugale à la suite d’Edgar et Alice.

Cette répétition d’une génération à l’autre des mêmes réflexes conditionnés vient en effet expliciter et compléter la vision pessimiste du couple perçu par August Strindberg dont la misogynie légendaire corrobore l'issue fatale de sa pièce in extenso, alors qu’il était envisageable de rester sur une ambiguïté salvatrice dans la version courte traditionnelle.

En outre la rupture de ton, quasi inévitable entre le huis clos intimiste réunissant le trio mari, femme et soupirant, d’avec l’impétuosité effervescente du jeune couple fait basculer d’un coup l’atmosphère de Bergmann à Rohmer sans que le spectateur puisse d’emblée y attacher ses repères objectifs.

Et pourtant telle est ainsi construite d’origine la pièce de Strindberg avec cinq personnages alors qu’habituellement Alice et Edgard se déchirent en la seule présence opportune de Kurt sans que l’on sache au bout du compte quel est le protagoniste qui catalyse activement la désagrégation des affects.

Difficile donc pour le spectateur initié de substituer un point de vue ironique et cynique à l’égard de cette récurrence générationnelle, au détriment d'une perspective mortifère et complice à trois, comme si serait mis en péril un équilibre psychologique instable avec lequel il était toutefois jusque-là fort possible de s’accommoder.

Ce malentendu délibéré pourrait-il retentir jusque sur les planches en instaurant un malaise entre les comédiens, jouant chacun sa partition en osmose avec l’autisme protecteur de cette mise en scène d’apparence brouillonne, tant dans le décor que dans sa direction d’acteurs ?

Il semblerait en effet qu’au Théâtre de La Madeleine cette partie de poker menteur ne sache pas rendre crédible la désagrégation générale et qu’ainsi la mystérieuse alchimie de Strindberg ne s’offre pas aux foudres fascinantes de la connivence avec le public.

Il reste néanmoins le plaisir ineffable d’apprécier la conviction élégante de Charlotte Rampling portée par la discrète perversité duelle de Didier Sandre et Bernard Verley ainsi que la découverte persuasive d’Ophélia Kolb.

Theothea le 07/03/07

CAP AU PIRE

de  Samuel Beckett

par   Sami Frey

****

Théâtre de l'Atelier

Tel: 01 46 06 49 24

 

    Photo   DR.  www.vincent-presse.com  

                  

Emergeant de l’obscurité sous le seul éclairage d’un ordinateur portable qu’il tient à bras tendus devant lui, le visage de Sami Frey apparaît de plus en plus distinctement à mesure que le comédien s’approche du devant de scène pour y aller précautionneusement déposer sur le sol à l’emplacement de la cage du souffleur, cette source de lumière bleuâtre relayée peu à peu par le halo plus avantageux d’un projecteur qui esquisse la longue silhouette noire maintenant assise et penchée vers l’écran numérique.

Désormais une heure durant le regard de l’acteur sera comme absorbé par cet étrange objet qui semble le happer comme s’il était seul au monde avec des mots terribles qui, mis bout à bout, vont scander l’oralité d’un désespoir intemporel.

Passant d’une main à l’autre, une discrète télécommande que le comédien-lecteur active pour tourner  virtuellement les pages d’un livre scanné à l’identique de l’édition originale va lui permettre de surfer sur un leitmotiv de mots récurrents que Samuel Becket publiait en 1982 sous le titre anglais de «Worstward Ho»:

"... Encore. Dire encore. Soit dit encore. Tant mal que pis encore. Jusqu'à plus mèche encore. Soit dit plus mèche encore. […] Dire pour soit dit. Mal dit. Dire désormais pour soit mal dit…".

Dans la salle du Théâtre de l’Atelier, l’écoute est totale, la fascination est à son comble, la grand messe est en train d’être dite.

La voix toute en plénitude épouse les contours et les aspérités acerbes de la litanie avec les subtilités de modulation qui n’appartiennent qu’au timbre de Sami Frey; le ton calme et apaisé contraste douloureusement avec la violence thématique de l’enjeu.

Oui, Beckett traversait alors une phase éminemment dépressive que l’écrivain réussit néanmoins à sublimer dans ce texte dépouillé à l’extrême des structures linguistiques conventionnelles de la langue... au profit d’un nihilisme abrupt.

Si donc l’auteur est servi avec pertinence par ce lecteur d’exception que l’ensemble des spectateurs va applaudir en de multiples rappels illuminant d'un certain sourire le visage de Sami Frey tel un «Théorème Pasolinien», il n’en demeure pas moins que ce nouveau procédé de lecture pourrait faire question, sans pour autant faire ombrage au charisme incontesté.

En empêchant le regard de se départir, ne fût-ce qu’un instant, des repères topographiques de la valise noire, c’est pour le coup un «écran» opaque qui semble se dresser entre l’artiste médiateur et son public à l'affût des mots résonnant au plus profond des entrailles mais qui assiste, ainsi tétanisé, à une lecture captive pouvant s’apparenter à la frustration du divan psychanalytique sans possibilité de contact visuel:

« Dire encore…non… les mots empirent ... dans une étroite vastitude... dire…tout au plus le minime minimum, l’iminimisable minime minimum ...».

En faisant fi d’une paire de lunettes chaussée en presbyte à  l'avantage d’une distanciation optique offerte par la technologie numérique, Samie Frey met ainsi «Cap au pire». Mais serait-ce effectivement pour le meilleur ?

Theothea le 05/03/07

JOURNALISTES

de  Pierre Notte

mise en scène   Jean-Claude Cotillard

****

Théâtre du Tristan Bernard

Tel:  01 42 93 65 36 

 

     Photo   ©   Claire Besse

                  

«Journalistes» est un titre de pièce qui pourrait inciter au malentendu ciblant une étude contradictoire sur la presse alors que Pierre Notte n’utilise le métier de critique dramatique qu’en tant que sésame culturel donnant accès à divers privilèges dont il résulte un ersatz de pouvoir à l’image de celui convoité par toute une société en mal de reconnaissance.

En enchaînant des saynètes là où d’autres enfileraient volontiers des perles de pacotille, l’auteur qui a exercé durant une période conséquente l’activité d’apprécier, d’analyser et de jauger la création théâtrale condense en quelques pochades bien vues, des situations caricaturales où certains de ses confrères se comporteraient en «petits barbares mondains».

La mise en scène de Jean-Claude Cotillard s’emploie à y ridiculiser les travers humains de jalousie, de mesquinerie, de fourberie, d’arrivisme etc... en caricaturant le trait impressionniste pour composer un rythme à la Marx brothers où la pensée rationnelle s’efface au profit du rire épidermique.

Il ne s’agit pas tant de juger une profession que de la rendre exemplaire d’un microcosme où les initiés seraient les rois en puissance d’une volonté d’imposer au monde un ordre des valeurs tout en pressentant la futilité du projet.

Cette velléité de se façonner des ambitions mégalomaniaques correspondrait à une peinture des moeurs que la vie sociale est encline à sécréter dès que s’enchaînent les rivalités professionnelles confrontées au sein de mondanités redondantes.

L’objectif de chacun étant de tirer son épingle d’un jeu pipé par l’égocentrisme collectif, il est donc pertinent dans cette perspective métaphorique d’en brocarder les tenants et les aboutissants en sachant rejoindre le parti d’en rire toujours davantage.

A ce niveau d’interprétation du phénomène sociétal, il faut dire que Zazie Delem est la chef de file du délire partagé en toute connaissance de causes avec ses complices et néanmoins partenaires Sophie Artur, Romain Apelbaum, Marc Duret et Hervé-Claude Ilin. Champagne et petits-fours donc pour tout le monde !...

Theothea le 06/03/07

LES EPHEMERES

de    Ariane Mnouchkine

mise en scène   Ariane Mnouchkine

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Théâtre du Soleil / La Cartoucherie

Tel:  01 43 74 24 08

 

   Photo   ©   Michèle Laurent  

                  

En s'immisçant dans la sphère de l'intimité, Ariane Mnouchkine s'approche d'une intuition universelle où le presque rien occuperait la relativité des vies humaines.

A la suite de "Le dernier Caravansérail", une scénographie chorégraphique finalise l'ingénieux système des chariots mobiles en mettant en place une armada de plateaux à roulettes tantôt de forme quadrilatère, tantôt circulaire où vont se succéder des séquences de "vécu hyperréaliste" dans un ballet incessant de derviches tourneurs poussant à la rotation cinéphilique de ces microcosmes au ras du sol.

Proustien à sa manière, un style nouveau émerge donc au coeur d'un cirque romain où les gradins en se faisant face à face, plonge le sentiment individuel dans la plénitude de la mémoire collective qui associerait, en prise directe, visuel et émotion.

Surplombant l'action, un démiurge (Jean-Jacques Lemêtre) psalmodie ex machina grâce au rythme de ses multiples instruments de musique, le flux de traumatismes qui ne cesse de scander les battements d'un émoi transgénérationnel envahissant l'assistance....

C'est ainsi qu'en retournant les poches de son credo philosophique, le Théâtre du Soleil se métamorphose en faisant transparaître autant de points de vue subjectifs qui n'auront d'autre destin que de se fédérer en une compréhension mutuelle.

En effet tant de malheurs terrestres se créent dans l'ignorance et ne subsistent que dans l'indifférence pour qu'Ariane ait souhaité les rattacher aux moments de joie, en un seul et même fil sur lequel pourront s'égrener les grains d'un immense chapelet de sept heures à compulser dans la compassion, comme deux précieux albums de photos de famille.

Alors telle une fourmilière qui s'agiterait en amont et en aval de la représentation dans la convivialité des coulisses du temple du Soleil, dès que la danse et le tournoiement peuvent circuler de cour à jardin, le courant passe en focalisant toutes les énergies spirituelles sur la troupe de comédiens habitée par une pantomime lunaire où la gestuelle chaloupée serait au diapason du vide sidéral qui ceint l'entendement humain.

Magnifique vision, magnifique mise en scène, magnifiques disciplines artistiques qui se subliment en des instants de vérité auquel nul ne peut échapper et qui laissent au final une impression d'immense nostalgie à combler dans l'interdépendance assumée de toute pensée "magique".

Theothea le 14/03/07

L'EVENTAIL DE LADY WINDERMERE

de  Oscar Wilde

mise en scène   Sébastien Azzopardi

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Théâtre des Bouffes Parisiens

Tel: 01 42 96 92 42

 

   Photo   ©   Jean-Paul Lozouet

                  

En succédant à Caroline Cellier & Mélanie Doutey dirigées par Tilly en 2003 au Théâtre du Palais-Royal, le duo Geneviève Casile / Elisa Sergent conduit par Sébastien Azzopardi, d'abord au Théâtre 14 et ensuite aux Bouffes Parisiens, confirme l'état de grâce de cette première pièce d'Oscar Wilde, présage à son insu du mal sociétal qui emportera l'auteur aux gémonies de son époque.

L'éventail de Lady Windermere aura beau jeu de confondre le mensonge et l'hypocrisie d'une aristocratie anglaise à cheval sur les convenances, il n'en demeurait pas moins qu'un secret de famille aurait pu permettre de surmonter quelques écarts de vie pourvu que ne s'emmêlent point les rumeurs et les ragots qui auraient tôt fait de semer le trouble affectif là où il n' y avait que prévenance et maladresse.

Qu'un lien maternel doive taire à la fois son désordre amoureux en même temps que son désarroi, voilà l'enjeu des ressentiments que Madame Erlynne aurait à gérer face à des lords toujours prêts à faire la fête des coeurs à prendre sans vergogne mais non sans malice.

Qu'une société corsetée puisse avoir raison du sentiment amoureux au nom des bonnes manières que d'aucun singe jusqu'à nuire à la respectabillité des moeurs, et voilà que la morale passe cul par-dessus tête sur le cadavre des bonnes intentions.

Oscar Wilde analyse et distille avec subtilité les médisances, les faux-fuyants et autres équivoques qui jalonnent l'attirance d'une vie mondaine mais dont les tentations ne sauraient faire bonne mesure tant elles lui paraissent inéluctables et fatales.

Le décor est somptueux, la mise en scène pétille comme du champagne, l'interprétation est galvanisée par la prestance de l'ex-sociétaire de La Comédie Française qui illumine la distribution d'un charisme d'évidence.

Theothea le 13/03/07

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