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12ème  Saison     Chroniques   12.01   à   12.05    Page  190

 

   

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UN MONDE FOU

de  Becky Mode

mise en scène   Stephan Meldegg

****

Théâtre La Bruyère

Tel:  01 48 74 76 99 

 

    Photo  ©  Lot 

Formidable Eric Metayer qui assume à lui seul sur la scène du Théâtre La Bruyère la permanence téléphonique des réservations d'un grand restaurant, en composant une galerie de portraits d'une clientèle exigeante, d'une direction du personnel tyrannique, de collègues dépassés par une organisation défectueuse.

Sans recours au moindre accessoire de théâtre, son personnage se débat au mieux des appels incessants pour résoudre les contraintes du planning, les mises en attente nécessaires, les desiderata extravagants d'interlocuteurs d'autant plus égocentriques qu'ils ne perçoivent rien des conditions a minima pour assurer cette mission d'accueil.

Grâce à ce regard exacerbé sur des conditions sociales du travail bafoués au nom d'un rendement effectué par un intérimaire corvéable à merci alors même que ce "petit boulot" lui permet de se présenter à des castings avec l'espoir de décrocher prochainement un rôle de comédien professionnel, l'orchestration minutieuse de Stéphan Meldegg met en situation une tranche de vie métaphorique digne des "Temps modernes" de Chaplin et de "Play Time" de Tati.

La performance d'Eric Metayer peut certes s'évaluer à la voix et au mime d'une trentaine de protagonistes récurrents qui officient sur la ligne téléphonique en les incarnant alternativement dans une course contre la montre incessante, mais surtout au sentiment d'humanité qui prévaut à chaque instant de chaque réplique prononcée dans une patiente infinie puisque du VIP au client lambda chacun se croit en droit de susciter un immense respect.

Formidable leçon de savoir-vivre de la part de ce héros des servitudes cumulées jusqu'à ce que le vent de la destinée semble tourner en sa faveur pour un happy-end bien mérité:

En effet par un juste retour des choses, sans doute pourra-t-il rejoindre à la campagne son père pour Noël, car seul ce dernier a été en mesure de faire preuve de réel désintéressement... au bout d'une ligne où la communication s'était effectivement avérée à sens unique.

Theothea le 14/09/07

AUX DEUX COLOMBES

de  Sacha Guitry

mise en scène   Jean-Laurent Cochet

****

Pépinière Opéra

Tel:  01 42 61 44 16 

 

    Photo  ©  Claire Besse 

La jauge du théâtre de la Pépinière Opéra a beau être de taille moyenne, il est indéniable qu'aux derniers rangs de l'orchestre la voix de Jean-Laurent Cochet ne portait pas suffisamment ce soir-là.

En interprétant délibérément le rôle de Sacha Guitry dans une évanescence stylisée mais molle, tout en contraste avec l'exacerbation du jeu des quatre comédiennes qui l'entourent et qu'il met en scène dans une truculence caricaturale, Jean-Laurent Cochet suscite une esthétique hystérisée des deux colombes, bientôt communicative à leurs deux complices objectives.

Cependant jouer Sacha au siècle actuel, ce pourrait être soit dans une distanciation infinie par rapport au personnage de référence, soit en dynamitant de l'intérieur les manières mondaines et faussement suffisantes du maître en comédie féroce.

Mais aucune option de cette alternative ne semble ici inspirer le propre jeu de l'immense professeur d'art dramatique qui, paradoxalement, semble vouloir se rendre transparent au regard du public en neutralisant la perspective burlesque de Guitry pour mettre à juste titre dans la lumière les prestations de ses partenaires féminines,Virginie Pradal, Catherine Griffoni, Paule Noëlle & Anne-Marie Mailfer.

De fait, les salves de rire sont bel et bien au rendez-vous des envois cyniques et misogynes, tant la provocation des tournures rhétoriques se prêtent volontiers au plaisir de se régaler du mot d'esprit.

Toutefois là où il semblerait qu'un feu d'artifices avec effets spéciaux devrait régaler l'assistance, c'est présentement des fusées éblouissantes qui se déchaînent dans le seul halo du numéro d'actrices, sans orbite maîtrisée par un porte-voix guttural légitime.

Bref, là-bas au fond de l'orchestre, l'ennui guettait avec persuasion alors même que les ingrédients étaient réunis sur scène pour faire imploser le théâtre du verbe, pourfendeur de bonnes manières, si toutefois l'acteur Jean-Laurent Cochet avait osé allumer la mèche qui semblait insidieusement le retenir aux planches, ce soir-là.

Theothea le 12/09/07

NE NOUS QUITTE PAS

de &  mise en scène

Gil Galliot  &  Yves Hirschfeld

****

Théâtre Tristan Bernard

Tel: 01 45 22 08 40

  

    Photo  ©  Claire Besse 

La célèbre chanson de Jacques Brel résonne dans tous les esprits alors que la première personne du singulier se métamorphose ici en un pluriel collectif " Ne nous quitte pas " incarnée sur scène par un trio de comédiens se prénommant tous " Paul ".

En concomitance avec le symbolique, la conscience de Paul surgit sur les planches du Théâtre Tristan Bernard en une trinité dialectique qui se protège fort opportunément sous un parapluie, des larmes d'Agnès son épouse pleurant la dérive de leur couple.

Bien entendu, il y a aussi Jérémie le tiers amoureux tapi dans l'ombre du psychodrame afin de susciter la triple réactivité stratégique du mari à l'abandon :

La passion, la poésie et le pragmatisme vont être ainsi représentées à parts égales d'une lutte habile pour la reconquête de l'amour perdu.

Dans un véritable timing de comédie musicale, Philippe Lelièvre, Gil Galliot et Fred Nony vont mimer le désespoir amoureux en tentant de pénétrer tel un cheval de Troie, l'inconscient d'Agnès afin d'influer sur sa tentative de fuite en avant.

Le spectateur est donc projeté dans la sphère du doute psychique, là où les pulsions se télescopent au coeur du magma irrationnel des sentiments face aux ressentiments.

Les trois comédiens se battent alors deux heures durant telle la chèvre de Monsieur Seguin pour surmonter le défi vital dont le renoncement conjugal les menace à jamais.

En s'approchant des secrets de la passion amoureuse au féminin, l'auteur nous en apprendra davantage sur la psychologie masculine en proie à la déstabilisation libidinale et affective, car du début à la fin de la pièce Agnès échappe d'autant plus à l'entendement qu'elle n'apparaît que sous la projection fantasmatique des trois Paul.

La mise en scène est précise, percutante et terriblement efficace. Les trois comédiens se donnent à fond dans un challenge dont l'expression artistique relève de l'engagement physique et dont l'enjeu aurait été le risque de tout perdre, y compris la force d'âme.

Theothea le 11/09/07

L'UN DANS L'AUTRE

de  Marc Fayet

mise en scène   José Paul & Stéphane Cottin

****

Petit Théâtre de Paris

Tel: 01 42 80 01 81

  

    Visuel affiche extrait

Tout compte fait, "l'un dans l'autre" est une énigme psychoaffective à résoudre telle un puzzle d'Agatha Christie qui pourrait se cacher sous l'apparence d'un vaudeville avec portes dérobées à la clef.

Cinq personnages en quête de confiance en soi livrent tout à trac leur frustration relationnelle qu'ils cherchent chacun à combler au mieux de leur vulnérabilité subjective.

Deux couples vont se croiser dans un appartement sous l'arbitrage attentionné mais fort importun d'un empêcheur de tourner en rond.

Ainsi tel père tel fils, chacun des deux vont pouvoir y débarquer avec leur conquête respective alors qu'une épouse légitime et un frère jumeau ont déjà quitté la vie, mais voici que le voisin insupportable les rejoint par intermittence suscitant à son insu des flashs révélateurs au coeur d'un labyrinthe libidinal en déroute.

Le noeud gordien du récit s'installe entre deux solstices d'hiver à été, se jouant de la règle classique d'unité du temps au profit de six mois d'intervalle entre la soirée du père (Thierry Heckendorn) et celle du fils (Marc Fayet). Leurs aventures amoureuses asynchrones vont ainsi se répondre en miroir l'une de l'autre comme dans un jeu de dupes où néanmoins le jumeau resté vivant semblera refaire surface si non illusion eu égard à l'ex-charisme monopolisateur du frère disparu!

Deux femmes, Juliette (Lisa Martino) et Annie (Evelyne Dandry) vont illuminer ce parcours initiatique autant que régressif en valorisant par leur présence opportune quoique momentanée, ces lentes retrouvailles avec soi sous le tir groupé d'associations freudiennes à répétition noyées sous des jeux de mots complaisamment dissimulateurs.

Quant aux jeux de rôles initiés par le trublion (Gérard Loussine) du voisinage, ils contribueront tant mal que bien à ôter les masques en empruntant par procuration ceux d'artistes célèbres.

Dans une mise en scène explicite de José Paul et Stéphane Cottin, ce maelström cérébral écrit par Marc Fayet est loin de s'avérer "Un petit jeu sans conséquence" car s'il ne laisse jamais en repos le spectateur, celui-ci se sent ballotté par des sentiments contradictoires glissant entre la subtilité de l'interprétation jusqu'à l'irritation issue de propos souvent caricaturaux, voire à contre-emploi des roueries du psychisme.

Cependant l'un dans l'autre, cette soirée de rentrée théâtrale donne le ton sinon la couleur d'une valorisation filiale en question puisque, également, à l'affiche en lettres dorées avec les Brasseur père et fils clamant "Mon père avait raison".

Theothea le 07/10/07

VICTOR OU LES ENFANTS AU POUVOIR

de  Roger Vitrac

mise en scène   Alain Sachs

****

Théâtre Antoine

Tel: 01 42 08 77 71

  

    Photo  ©  Gilles Bureau

"Mais, c'était un drame !... ", telle est la dernière réplique de "Victor ou les enfants au pouvoir", cette pièce qui en ce début de saison 07-08, décoiffe tout ce qui bouge sur la scène du Théâtre Antoine.

De la grande bourgeoise pétomane à l'enfant roi tyrannique, Roger Vitrac balaie toutes les conventions et règles de savoir-vivre pour orchestrer un délire conceptuel digne d'une famille "tuyau de poêle".

Mais où va l'auteur, se demande-t-on à chaque instant de la pièce, tant l'adultère y atteint le paroxysme du fantasme généalogique, sans qu'aucune recomposition ne paraisse pouvoir venir à bout de la culpabilité collective ?

Dans ses notes de mise en scène, Alain Sachs décrit: "véritable précurseur du Théâtre de l'absurde, pétri de dadaïsme, directement inspiré par Feydeau qu'il affectionne autant qu'il le met en miettes, Roger Vitrac nous offre ici une indémodable peinture au vitriol de la société bourgeoise".

D'ailleurs, si Alain Sachs devait payer son tribu de metteur en scène hilarant à l'égard de ses pairs, sans doute n'aurait-il pas trouver meilleur terrain de jeu pour stigmatiser avec une complicité jubilatoire, la dictature fantasque des enfants face à la résignation explosive des parents:

Ici, Laurent Deutsch est bel et bien au centre d'un enjeu insolent, celui de témoigner que rien ne sert de courir en tête, l'enfance aura toujours raison de l'hypocrisie adulte.

Alors plutôt que de faire la bête, le toujours jeune comédien fait effectivement l'enfant atteint par son 9ème anniversaire en s'arrogeant tous les droits, y compris celui de renvoyer la réalité en miroir à peine déformé par le piège du non-dit qu'il ose proférer tout à trac.

Mais c'est bien connu, la folie est communicative. Alors dans la confusion des rôles préétablis, tout le monde s'y met sur le plateau en plein tohu-bohu: Père, mère, mari, épouse, amante, la bonne, le général et les deux préadolescents... pour y aller chacun de sa tirade incompréhensible mais à décoder entre les lignes bien au-delà du rideau de la bienséance.

Un feu d'artifice frénétique s'active de lui-même alors que les conflits entre générations ravivent dans une extravagance surréaliste, la dualité entre mensonge tacite et provocation explicite autour du cocufiage et de ses dégâts affectifs collatéraux.

L'entracte ne résoudra en rien le traumatisme de la trahison conjugale placée sur orbite intemporelle et c'est donc faute de combattants restés valides que la chute annoncée par la domestique stupéfaite, pourra faire mouche à l'issue d'un ultime combat hallucinatoire: "Mais, c'était donc un drame !..."

Theothea le 14/09/07

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