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Les    Chroniques    de

  

12ème  Saison     Chroniques   12.76   à   12.81    Page  205

 

 

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FIGARO DIVORCE

de  Ödön von Horvath

mise en scène    Jacques Lassalle

****

Comédie Française

Tel:  08 25 10 16 80

 

    Photo ©  Cosimo Mirco Magliocca  

   

Le rideau s'ouvre sur les ténèbres d'une nuit et dans cette obscurité se détachent les silhouettes de 2 couples en fuite, l'un aristocratique le Comte et la Comtesse Almaviva, en tenue du 18ème siècle, l'autre leurs valets Figaro et Suzanne, vêtus de manière moderne, établissant ainsi par le costume un lien entre le Figaro de Beaumarchais qui laissait son héros à la veille de la Révolution Française et un XXème siècle de l'entre-deux-guerres, quelque part en Europe.

Passant une frontière et déchus de leurs rangs, les aristocrates voient leurs repères s'écrouler et se sentent perdus.

Quant à Figaro, il veut profiter de la situation pour voler de ses propres ailes, briser l'état de servage et devenir son propre maître; il décide de devenir barbier et avec sa femme Suzanne achètent, dans ce nouveau pays, un salon de coiffure.

Ayant rompu les liens avec un pouvoir monarchique, le débrouillard Figaro est cependant victime à son tour du nouveau système petit-bourgeois qui le met dans une servilité vis-à-vis de ses clients et bientôt, voulant assurer un bien-être matériel, ne pense plus qu'à son travail, refuse l'enfant que désire Suzanne et sombre dans un état d'aliénation dont Suzanne à son tour voudra se libérer.

Elle le trompera afin d'avoir un motif de divorce et fuir cette existence qu'elle juge étriquée et sans envergure.

Fuite, déchéance, rupture, exil et, après tous ces échecs, retour au pays pour constater que le château des Almaviva est devenu un camp pour pupilles de la nation aux relents hitlériens où Figaro puisera les moyens de servir une nouvelle cause pleine d'utopie.

Dans cette pièce d'Horvath, entrée au répertoire de la Comédie Française, tout l'univers de l'auteur s'y décèle, lui-même honni par le régime nazi, sur le chemin de l'exil et voulant émigrer aux Etats-Unis, mourra foudroyé, le 1er juin 1938, à Paris devant le théâtre Marigny ...une véritable ironie du sort !

Emportés par un mouvement incessant, les personnages doivent réagir à l'histoire troublante des années 30 mais la mise en scène de J. Lassalle les statufie parfois un peu trop.

Grâce à une plate-forme tournante, nous assistons à des saynètes cinématographiques à l'atmosphère sombre et parfois inquiétante, station de sport d'hiver, salon de coiffure, club de jazz, cabaret berlinois (saluons Loïc Corbery en juriste féminine sur talons hauts), aire de jeux aux allures fascistes, qui nous embarquent dans des pérégrinations à travers un monde en crise menacé par le totalitarisme.

Une très bonne distribution, d'un Michel Vuillermoz débonnaire et caméléon, d'une Florence Viala en Suzanne déterminée, un Bruno Raffaelli en comte un peu las ou un Denis Podalydès en intendant véreux, fait de cette pièce acerbe une réussite.

Cat.S pour Theothea.com le 17/06/08

SACRE NOM DE DIEU

de  Arnaud Bédouet

mise en scène    Loïc Corbery

****

Théâtre de la Gaité Montparnasse

Tel: 01 43 22 16 18

 

  Visuel affiche LD. Presse 

De "Gustave et Eugène" créé à Nice en 1996, pour assurer ensuite une longue résidence au Théâtre Hébertot, jusqu'à "Sacré Nom de Dieu" joué au Théâtre de la Gaîté Montparnasse en cet été 2008, se profile le même auteur Arnaud Bédouet qui, s'inspirant de la correspondance de Gustave Flaubert,  donne à l'acteur Jacques Weber l'opportunité d'endosser l'esprit et la carcasse d'un personnage haut en couleur et fort en gueule.

S'offusquant du conformisme et du manque d'envergure de ses contemporains même célèbres, Gustave Flaubert y vitupère contre les institutions et à l'endroit de tout ce qui viendrait contrarier l'authenticité de la pensée.

Jacques Weber reprend à son compte ces colères sourdes et ces emportements en cascade de façon à son tour, à purger la société humaine de tous ses faux-semblants.

Cependant à 12 ans d'intervalle, l'auteur renoue avec son texte initial pour en modifier la situation relationnelle en réintroduisant un partenaire dans le champ d'investigation.

En effet, si celui-ci s'appelait "Eugène" et avait le statut de jardinier à l'époque, l'interprétation de Jacques Weber l'avait alors constitué en interlocuteur fictif face auquel il pouvait extérioriser tous ses ressentiments.

Dans la version actualisée, il s'appelle désormais "Marie" et s'affiche en confidente (Magali Rosenzweig) de l'écrivain, effectivement présente à ses côtés de façon à arrondir les angles d'une rébellion souvent trop dévorante.

En confiant le passage de témoin à un jeune metteur en scène pour transformer un rôle miroir évoluant du "masculin virtuel" au "féminin tangible", l'auteur abandonne ses prérogatives de 96 afin que Loïc Corbery, par ailleurs pensionnaire déjà fort remarqué à la Comédie-Française, puisse en diriger une nouvelle création qu'il assume avec un goût fantasque pour la pénombre et des jeux de lumières irisées.

Ainsi, ces focalisations ponctuelles de luminosité vont-elles lui permettre de pénétrer au plus près de l'intimité du personnage de "Flaubert" pour tenter d'en appréhender l'universalité des flux de tourmente qu'une nuit de tempête et d'orage va catalyser et exacerber en éclairs de génie.

Aussi, c'est dans l'épaisseur du verbe que Jacques Weber pourra canaliser toute son énergie physique de manière à faire éclater les artifices des normes convenues.

Ce "Sacré nom de Dieu !" va résonner aux oreilles comme un flot de jurons éructés par un improbable capitaine Haddock alors que les forces de la nature tenteraient de résister aux affects féminins du comédien valeureux renonçant à être seul sur scène.

Theothea le 19/06/08

LE CABARET DES UTOPIES

du groupe Incognito

scènographie    Jane Joyet

****

Théâtre de la Cité Internationale

Tel: 01 43 13 50 50

 

        Photo ©  Elizabeth Carrechio  

En ce mois de juin 2008, le groupe "Incognito" ne peut pas passer inaperçu à la Cité Internationale car vu, les pétarades idéologiques et alchimiques qu'ils concoctent dans "La galerie", il faudrait être sourd et aveugle pour penser que la langue de bois, le consensus diplomatique et la pensée unique puissent venir à bout des plans sur la comète que ses membres font monter en fusion, in vivo.

Ceux-ci, issus de l'Ecole du Théâtre National de Strasbourg créent depuis le début du XXIème siècle en résidence au sein de la Maison du Comédien "Maria Casarès", des spectacles où sont mis à profit à la fois l'autonomie du travail de l'artiste ainsi que l'expérience de la création collective.

Liant textes et chansons de chacun des participants, la mise en scène est ainsi le fruit d'une élaboration dialectique.

Pour le "Cabaret des utopies" datant de 2004, c'est la trentaine d'années en moyenne qui fut le vecteur initial d'une interrogation commune : "Est-ce que notre génération a encore de grands rêves ?".

Ils y répondront, tous azimuts, par une problématique fondatrice:

"Bien, est-ce qu'il y a encore des questions dans la salle ?"

En effet, c'est ainsi que débute le show déjanté, précurseur de toutes les ouvertures sur un monde meilleur…. au terme d'une conférence où les intervenants, experts et autres spécialistes ès utopies, n'auraient réussi qu'à susciter la perplexité et la confusion dans leur auditoire.

2 musiciens, 1 scénographe, 1 éclairagiste, 1 marionnettiste, 8 comédiens(ne)s vont alors s'ingénier à tirer parti de la magie du cabaret pour laisser surgir un imaginaire fantasque prêt à emporter la fragile cohérence de toute certitude au profit d'une conviction fédératrice :

"Soyons tous d'accord avec moi…. Je te mange les seins comme un fou dans un champ de blé sous le soleil de mes pulsions…."

Theothea le 12/06/08

AVEC DEUX AILES

de  Danielle Mathieu-Bouillon

mise en scène    Anne Bourgeois

****

Petit Théâtre de Paris

Tel: 01 42 80 01 81

 

    Visuel affiche LD. Presse

Si l'on pense à Véronique Jannot avec deux "L", la première idée qui puisse venir, c'est bien entendu "belle"!… "Belle" comme son sourire, comme son enthousiasme, comme son énergie.

Si l'on extrapole cette projection "Avec deux ailes", la comédienne reste totalement raccord avec cette image pleine de vie, mais si le thème de la pièce s'empare d'un territoire spirituel souvent parcouru par Eric Emmanuel Schmitt, l'étude de Danielle Mathieu-Bouillon nous apparaît ici plus prosaïque et surtout le traitement scénographique qui en est fait par Anne Bourgeois trop "terre à terre", si l'on pouvait se permettre ce paradoxe.

L'intuition principale de ce conte théâtral est donc que lorsqu'il quitte la vie, l'être humain a l'opportunité de devenir enfin lui-même.

Cette faculté va lui être accessible lors de son passage momentané dans un sas de décompression du temps et de l'espace que certains appelleraient "purgatoire" et qu'Eric-Emmanuel Schmitt, lui, avait autrefois intitulé, "L'Hôtel des deux mondes".

Veillant à ce transfert, un ange gardien supervise l'expérience initiatique qui pourrait trouver son aboutissement en une dissolution complète de l'identité, jusqu'au nom et prénom de l'individu en transit.

Cet entre-deux devrait être considéré comme une chance unique de gagner la vie éternelle en se détachant de toutes les contingences d'ici-bas, qu'elles soient affectives ou matérielles afin de s'ouvrir exclusivement à l'universel.

Marc Fayet, l'ange va donc accompagner Véronique Jannot, la victime d'un accident de la route pour effectuer ce bout de chemin devant la mener du regret de sa vie terrestre à l'aspiration du Nirvana.

Cependant là où l'on s'attendrait à une démarche se dirigeant vers l'abstraction conceptuelle, la metteur en scène ramène en permanence l'intention de l'auteur et l'évolution de son enjeu, à proprement parler métaphysique, vers des supports technologiques de communication, téléphone portable, cabine téléphonique, antenne, écran vidéo etc.… qui, par leur utilisation fébrile, ont une fâcheuse tendance à concrétiser la parabole au moment même où il faudrait la transgresser.

Sans prétendre à l'épure de Claudel, il nous semble que la réalisation de ce projet thématique aurait beaucoup gagné à s'extraire du gag complaisant pour faire davantage confiance au sentiment de plénitude qui, de toutes évidences, habite Véronique Jannot.

Theothea le 11/06/08

UN PEDIGREE

de  Patrick Modiano

par   Edouard Baer

****

Théâtre de l'Atelier

Tel:  01 46 06 49 24

 

    Photo DR. presse    

De Patrick Modiano à Edouard Baer, il n'y aurait que la distance du Théâtre, ce lieu et ce temps privilégiés où il serait possible d'être et d'avoir été…

Et pourtant comment avoir la nostalgie d'une époque qui aurait rendu prisonnière la jeunesse du narrateur en raison du rejet affectif incompréhensible de ses parents mais qui, en se résolvant au seuil de ses soixante ans sous forme de biographie romancée, en aurait perçu a posteriori la vertu magnifiquement libératoire acquise à sa majorité légale ?

C'est la voix neutre et posée d'un comédien inclassable épousant au plus près les circonvolutions d'une éducation rébarbative ainsi subie qui pourrait en percevoir l'immense déception réitérée à chaque nouvelle décision d'exclusion.

Aussi, confrontée aux vicissitudes d'un internat sans échappatoire, la destinée ne pourrait que s'alléger au terme de ce bizutage à l'échelle d'une jeunesse désaffectée et c'est donc dans l'inutilité du pathos poussé jusqu'à l'absence de ressentiment que l'auteur offre au comédien ce texte concis à l'extrême où aucune douleur n'affleure autre que celle d'être passée à côté d'un temps définitivement perdu pour le bonheur.

Qu'en adviendra-t-il au-delà de ces vingt années ? C'est une autre histoire, celle de l'écrivain révélé à lui-même au-delà de ce "Pedigree" qui aura donc su séduire Edouard Baer au point d'oser prendre à contre-pied son image de touche-à-tout médiatique à qui tout réussi.

Il faut dire qu'en animant récemment les soirées d'ouverture et de clôture du 61ème Festival de Cannes, l'artiste avait su adopter la juste mesure tout en restant néanmoins disponible à l'immédiateté d'une réplique imprévue.

Ici, sur le plateau totalement dénudé du Théâtre de l'Atelier à l'exception d'un bureau, d'une chaise et de quelques feuillets, rien ne saurait transparaître du faiseur de génie et c'est donc sur le registre de la sobriété sans faille que cette lecture, interprétée sur les planches telle une réminiscence à haute voix, trouve à la fois sa raison d'être en même temps que son constat brut d'avoir été!…

Même l'ovation que lui réservent les spectateurs pourrait apparaître comme superfétatoire à l'attitude délibérément réservée du comédien mis en scène par lui-même. Une réussite exemplaire.

Theothea le 20/06/08   

NEIGE

de Maxence Fermine

mise en scène Stéphanie Loïk

****

Théâtre Artistic Athévains

Tel: 01 43 56 38 32  

 

     Photo ©  Claire Besse   

Selon une étrange démarche de pachyderme investissant un poème de porcelaine, Stéphanie Loïk dessine, en esquisses paradoxalement courbées par la rigidité des bras, des circonvolutions syncopées destinées à illustrer la musicalité des Haïkus que Yuko Akita aurait composés dans un Japon d'un XIXème siècle finissant.

De stations arrêtées en pauses professorales, un chemin d'initiation épique parcourt le plateau du Théâtre Artistic Athévains d'où émerge peu à peu une sensation de blancheur vertigineuse sur laquelle, tel en équilibriste des mots, se glisse une corde tendue entre deux versants abrupts des Alpes Japonaises.

Au fond du gouffre se trouverait, depuis des lustres, le corps d'une jeune fille prisonnière des glaces éternelles alors même que la beauté diaphane de sa mémoire n'aurait fait que croître au fil de la Légende.

C'est ainsi que la mélancolie sérielle de Jacques Labarrière donne au piano les traces d'une respiration infinie que la comédienne s'applique à psalmodier au mieux des fondus enchaînés.

Cependant qu'à la recherche de l'idéal au sein des pinceaux de l'art poétique, c'est l'absence absolue de couleur qui se renvoie en écho du conte philosophique de Maxence Fermine.

L'épure sera donc le gage de la cime à atteindre par l'artiste du verbe si, selon l'auteur, sa destinée le porte à devenir "funambule" plutôt qu' "acteur" à l'image de la plus grande part de l'humanité.

Theothea le 27/06/08

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