Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

13ème  Saison     Chroniques   13.76   à   13.80    Page  221

 

           

Âge tendre troisième tournée

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L'ORATORIO D'AURELIA

     

de & mise en scène  Victoria Chaplin

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Théâtre du Rond-Point

Tel: 01 44 95  98 21  

 

        Visuel affiche

       

D’une Chaplin à une Thierrée, de Victoria à Aurélia, de la metteuse en scène à la comédienne, de la mère à sa fille, l’imaginaire poétique n’est pas le moindre des fils rouges qui, s’enchevêtrant en des illusions acrobatiques, s’accrocheraient aux rideaux d’un théâtre invisible.

S’imbriquant en des saynètes d’où le charme naîtrait, à l’inverse du sens de l’orientation et des repères spatiaux, d’un décalage délibéré entre la raison et le simple bon sens, la souplesse des corps s’allie à un artisanat expérimental qui ressemblerait, à s’y méprendre, à celui d’un théâtre de marionnettes surgi directement de l’enfance.

Si Victoria a composé cet Oratorio de soixante-dix minutes pour Aurélia, c’est que cette dernière a ressenti l’indispensable besoin du retour aux sources familiales, celles d’un atavisme artistique se conjuguant en Thierrée-Chaplin.

En effet, de Charly, le Grand-père à Jean-Baptiste, le père, l’héritage du cinéma muet s’était transformé en Cirque Bonjour par la magie d’une rencontre nuptiale avec Victoria, alors que pour James et Aurélia, le frère et la soeur, l’inspiration d’un music hall funambule en quête d’émotions à fleur de peau leur permet de développer un humour abyssal dont ils peuvent se partager les zones d’influence.

Aurélia a donc opté pour un royaume où les fantasmagories optiques et sonores enchanteraient les fées au point de neutraliser tout sens critique de la pesanteur.

Il serait aussi aisé au corps humain de s’ébattre dans les tiroirs d’une commode que de servir de tunnel à un train fantôme... à moins que de faire voltiger le sens du déséquilibre aux rideaux de l’utopie.

Ce n’est donc pas son partenaire, Julio Monge qui tenterait la contradiction par une chorégraphie en divergence, encore moins Aurélie Guin, Antonia Paradiso ou Monika Schwarzl qui dénieraient les sortilèges de leurs manipulations, car de toutes évidences, le ravissement est la clef de cet Oratorio.

Theothea le 04/03/09

NATHALIE

de  Philippe Blasband

mise en scène  Christophe Lidon

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Théâtre Marigny / Popesco

Tel:  01 53 96 70 20   

 

         Visuel affiche /  photos ©  Stanislas Wolff   

   

En s’affichant comme une poupée russe dont chaque identité en cacherait une autre pour mieux échapper au rôle de prostituée qu’elle va assumer dans une schizophrénie totalement compartimentée, la comédienne belge Virginie Efira entre par la grande porte du Théâtre, celle de la salle Popesco au Marigny.

Si le personnage de Nadine s’abrite derrière la call-girl Nancy qui, elle-même, endossera la personnalité d’une secrétaire se faisant appeler « Nathalie Rebout » en mémoire symbolique d’une enfant morte noyée, c’est qu’il y a, face à ce kaléidoscope identitaire, une autre volonté féminine bien décidée à se venger de Jean-Luc, l’ex-mari.

En effet, le divorce de ce couple de musiciens, elle cantatrice, lui violonceliste, a suscité un tel ressentiment chez Sonia, que celle-ci a conceptualisé un scénario venimeux avec l’objectif vital d’apaiser sa profonde douleur affective.

C’est l’actrice Maruschka Detmers qui, incarnant cette vindicte, devrait, un mois durant, mettre en place les préparatifs d’une apothéose tellement cruelle pour le mâle confondu, que devrait en surgir une double renaissance au féminin.

Aussi, Sonia, en engageant les services péripatéticiens de Nancy, escompte que celle-ci lui fasse un compte-rendu régulier de l’entreprise de séduction délibérée et fomentée à l’encontre de Jean-Luc qui, tombant dans les mailles du piège érotique ainsi tendu, le contraigne à finaliser une nouvelle demande en mariage.

Ce plan diabolique se soldera, le jour des noces, par la révélation du stratagème mettant le futur époux dans une colère tellement monstrueuse qu’elle pourrait en devenir meurtrière.

Cependant, un happy-end en trompe-l’oeil mettra un terme final au contrat parfaitement accompli entre la pourvoyeuse de services et sa cliente au profit de leur bien-être respectif, apparemment reconquis.

Il faut dire, qu’entre-temps et c’est ce qui fait la force de la pièce de Philippe Blasband, les affects entre les trois protagonistes dont un virtuel, auront pris toutes les nuances des susceptibilités que l’amour peut offrir du mental le plus vulnérable au physique le plus pornocrate.

C’est donc dans un langage éminemment cru que s’instaure le dialogue entre les deux femmes s’entraînant mutuellement l’une à dire, l’autre à écouter les frasques impudiques des ébats sexuels entre amants.

Virginie Efira fait preuve d’un aplomb fascinant à manier le vocabulaire obscène avec la froideur qui sied à la professionnelle du commerce amoureux.

Maruschka Detmers s’impose en femme déterminée à avaler toutes les couleuvres de la jalousie pour mieux en cracher le venin transcendant.

La mise en scène de Christophe Lidon leur fait jouer cette partition, sur le ton d’une complicité féminine implicite, les conduisant toutes deux jusqu’au point ultime de convergence de leurs intérêts respectifs.

Deux rôles relevés dans un défi radical pour deux comédiennes en pleine réussite d’émancipation artistique.

Theothea le 03/03/09

ONCLE VANIA

de  Anton Tchekhov

mise en scène  Claudia Stavisky

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Théâtre des Bouffes du Nord

Tel: 01 46 07 34 50  

 

     Photo ©  C. Ganet   

   

« L’attitude normale de l’homme, c’est d’être cinglé ».

Ainsi s’exprime de la manière la plus placide le médecin Astrov, alias Philippe Torreton qui, sous la direction subtile de Claudia Stavisky, semble se promener dans le domaine de Tchekhov, comme s’il y était chez lui depuis toujours... alors que le comédien comme la metteuse en scène abordent, ensemble, l’illustre auteur russe, pour la toute première fois.

C’est Didier Bénureau qui, en place initialement pressentie de Jean-Pierre Bacri, incarne le rôle de Vania, en composant un oncle fébrile, désemparé et déstabilisé par la présence d’Alexandre (Georges Claisse), son beau-frère venu en villégiature avec Eléna (Marie Bunel), sa seconde épouse.

Sofia (Agnès Sourdillon), la fille de ce professeur en retraite traverse une crise d’identité amoureuse qui se cristallise sur le médecin venu d’ailleurs, au point de susciter l’inhibition totale de sa vie affective.

En outre, les visites à répétition d’Astrov vont peu à peu insinuer le doute dans la quiétude que chacun devrait avoir avec lui-même, si tous étaient absorbés par leur travail quotidien.

Mais voilà que se constitue en toile de fond de l’imaginaire collectif, l’esquisse d’un couple d’amants non assumé et dont le flirt latent va gangrener le bel ordonnancement estival.

De toutes évidences, Astrov et Eléna sont attirés l’un par l’autre, mais la pesanteur des liens familiaux empêchent toute transgression passionnelle.

La délitescence de la maisonnée va alors s’inscrire au service du ressentiment que chacun fomente à l’égard des échecs de sa vie personnelle sans que l’hypocrisie sociétale puisse remédier aux convictions trahies.

En écologiste visionnaire et prémonitoire, Tchekhov mesure la distance inéluctable que l’homme crée avec son environnement sous un humanisme exacerbé par la lâcheté.

Le décor de Christian Fenouillat inscrit les protagonistes dans un jeu à surface variable où des tréteaux divisés en trois parties s’ajustent de manière aléatoire à l’impact émotionnel.

L’écrin des Bouffes du Nord encadrent l’enjeu dramatique de toiles faussement naïves où les bouleaux et la datcha résistent à la modernité mélancolique des personnages.

En muse inaccessible, Marie Bunel hante d’une impossible fascination, la frustration des élans sensuels.

En démiurge inspiré, Philippe Torreton poursuit sa promenade Tchekhovienne sous le feu ardent des amours interdites.

Theothea le 09/03/09

LA NUIT DE L'IGUANE

de  Tennessee Williams

mise en scène  Georges Lavaudant

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Théâtre  MC93 Bobigny 

Tel:  01 41 60 72 72   

 

    Photo ©  Pidz   

   

Deux heures durant, quatre femmes vont incarner le spectre de Tcheky Karyo qui, se débattant au coeur d’une forêt de cactus géants, tente désespérément de faire coïncider l’âme et la chair à travers les affres de l’alcool.

Ayant défloré la jeune Charlotte (Sara Forestier), qui voulait tant en savoir sur les bas-fonds mexicains, Shannon est poursuivi par Mademoiselle Fellowes (Anne Benoit), la chaperonne de cette Lolita, jusqu’au Costa Verde, palace désuet de nulle part sous les tropiques, pour récupérer les clefs du bus que le guide touristique, par qui le scandale est arrivé, conserve en caution de moralité.

Ainsi, voyage organisé en suspens, celui-ci espère calmer le jeu des supputations, en imposant une pause balnéaire à tous les clients du groupe dont il a la responsabilité.

C’est alors que deux déesses viennent capturer cette bête sauvage traquée par le ressentiment avivé par sa vocation pastorale en même temps que par sa lubricité chronique.

En effet, Maxine (Astrid Bas), la patronne de l’hôtel très récemment veuve et Hannah (Dominique Reymond), l’aventurière mystique vont se disputer le repos vertueux du guerrier désemparé.

Claudélien des forêts vierges et tropicales, le symbolisme va alors s’emparer de dialectiques philosophiques entrecroisées où l’amour se dressera constamment en enjeu inassouvi d’un antihéros tiraillé entre les multiples visages féminins de la Rédemption.

La métaphore jouera sa partition réaliste dans le maintien ou non en captivité d’un iguane se débattant au bout d’une corde qu’il suffirait de trancher, pour que le goût de l’autodétermination rejaillisse sur la destinée.

De coups de tonnerres en chants nazis, la mise en scène zigzague dans un labyrinthe nocturne poisseux où chacun devra mettre du sien pour s’extraire d’un érotisme psychorigide, à la fois torride et mental.

Georges Lavaudant a investi le plateau de Bobigny pour en poser les bornes d’une jungle paradisiaque qu’il est judicieux de transgresser pour mesurer les affinités électives de Tennessee.

Theothea le 11/03/09       

FEDERICO, L'ESPAGNE ET MOI

de  Daniel Prevost

mise en scène  Erling Prevost

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Studio des Champs-Elysées

Tel: 01 53 23 99 19  

 

         Visuel affiche /  Photo ©  Catherine Cabrol   

   

Depuis plus d’un mois au Studio des Champs-Elysées, Daniel Prévost entrouvre, vers 21h00, son jardin secret, tel un rituel d’amour à l’égard de Jette, son épouse scandinave, disparue deux ans auparavant.

Celle-ci l’avait, en effet, convaincu d’aller au bout de sa passion pour la culture espagnole qui s’était, dès l’âge de huit ans, imposée à lui comme une évidence.

Ainsi, en rouge et noir, se déclinent les rencontres en France, avec les exilés de la guerre civile qui apportent à l’adolescent et au jeune homme, la vertu de le sensibiliser à toutes les formes de résistance.

Aussi, à 78 ans, l’humoriste fendant l’armure de son fond de commerce dédié au rire, livre, tout à trac, le cheminement d’une destinée jalonnée de multiples signes ibériques que l’artiste a toujours su interpréter comme un univers imaginaire à préserver dans l’excellence.

La plus grande d’entre les figures maîtresses, Fédérico Garcia Lorca préside l’album mémoriel de Daniel, d’un lyrisme flamboyant que les guitares s’empressent de relayer au rythme du Flamenco et autres suppliques harmoniques en phase avec les écorchures du coeur.

De professeurs en maîtres à penser, de poètes en anarchistes, une culture parallèle se conceptualise en symbolisme hispanique pour élaborer peu à peu un Surmoi sublimant la personnalité du comédien, bien décidé aujourd’hui, sous l’influence de la mise en scène de son fils Erling, à une exploration de l’âme par le biais du spectacle vivant.

«... Je n’ai plus la force d’insulter le monde... » confie l’un des chants traduits de l’Espagnol; alors succédant à la perte douloureuse de l’être cher, le « Vanité des vanités » de l’Ecclésiaste va s’imposer en « Credo » du comédien qui trouve, en ce rendez-vous quotidien, un apaisement dont la sincérité artistique est perçue instinctivement par l’ensemble des spectateurs.

En un ultime simulacre, Daniel Prévost peut refermer la grille allégorique séparant l’utopie de la scène du réalisme des coulisses; son jardin secret pourra, ainsi, rester en suspens jusque demain soir lorsqu’il aura, de nouveau, l’opportunité de feuilleter l’album de l’Amour retrouvé.

Theothea le 13/03/09

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