Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

13ème  Saison     Chroniques   13.96   à   13.100    Page  225

 

 

Les  MOLIERES  2009 

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LE CID FLAMENCO

de  Pierre Corneille

mise en scène  Thomas Le Douarec

****

Théâtre  Comédia

Tel:  01 42 38 22 22

 

       photo ©  Jean Chenel 

   

Cela aurait pu être un brillant pastiche de la fameuse tragédie de Corneille, c’est en fait la version originale du Cid sous sa forme tragi-comique qu’elle eut en 1637 avant sa version remaniée de 1682.

Plus exactement encore, Thomas Le Douarec a procédé à un habile montage de ces deux versions extrêmes, en privilégiant donc la forme initiale mais aussi en intervertissant certaines scènes, en recomposant la chronologie et en supprimant plusieurs rôles dont celui de l’Infante, afin de préserver l’espace tauromachique où il a voulu situer le drame.

Une formation de Flamenco vient épouser le souffle de cette re-création en contresignant la musicalité des alexandrins par des envolées de guitares et de pas cadencés, surgies en râles des entrailles andalouses.

Voici un Rodrigue (Olivier Bénard), comédien-danseur-chanteur en provenance des spectacles musicaux de Roger Louret, « Les années Twist » & « Les années Zazoues », ainsi que des « Amazones 1 & 2 »!

Voilà une Chimène (Clio van de Walle), sortie du Conservatoire de Paris ayant récemment joué dans le « Sainte Jeanne des abattoirs » réalisé par Bernard Sobel!

Place à un Don Fernand, roi de Castille (Florent Guyot), acteur déjà fétiche de Thomas le Douarec que celui-ci ose faire descendre des cintres sur un trône de pacotille afin de singer les contorsions maniérées de la Cour Royale!

En tout, huit comédiens en quête d’une parodie où le conflit Cornélien prend ses distances avec le purisme académique identifié traditionnellement par la règle stricte des trois unités.

En tournant par l’humour, voire la dérision gestuelle, le symbolisme attaché à l’oeuvre classique, la mise en scène s’actualise comme une corrida où taureau et toréador s’affronteraient dans un duel d’amour que le principe d’honneur serait censé arbitrer.

Le danseur (Kuky Santiago / Carlos Hernandez) et la danseuse (Melinda Sala / Karla Guzman) se chargent alors d’une émotion sombre, extravertie de tout voile, pour canaliser les flux de vengeance que l’atavisme familial dicte à celui et celle qui ne peuvent s’avouer leur inclination réciproque: « Va, je ne te hais point ».

Un CID magnifique, enjoué et drôle qui transgresse, avec une félicité diplomatique, la problématique du mélange des genres en respectant au vers près, le style et l’esprit de Corneille. Olé !...

Theothea le 07/05/09

MAIS n'te promène donc pas toute nue

& FEU la mère de Madame

de  Georges Feydeau

mise en scène  José Paul

****

Théâtre de Paris

Tel: 01 48 74 25 37  

 

      Visuel affiche

   

José Paul est à la fois un acteur malicieux et un metteur en scène au regard acéré sur les comédies de moeurs contemporaines qui, pour ces deux courtes pièces classiques de Feydeau, ne semble pas avoir su atteindre la mécanique implacable liée au Vaudeville.

Là où le conflit verbal entre les protagonistes devrait se constituer exclusivement en un échange de répliques pétaradantes comme un feu d’artifices, sa direction d’acteurs semble introduire une dose non négligeable de morale et de psychologie qui, certes, valide une compréhension humaniste du train de vie bourgeois d’un autre siècle mais freine, en même temps, la spontanéité du comique de situation.

Dans un décor délibérément kitsch et flashy, un brillant échantillon de comédiens dont il connaît parfaitement le savoir-faire, défend vaille que vaille les codes maritaux de décence en vigueur à cette époque, en confrontation directe avec une aspiration à la liberté comportementale revendiquée successivement par le mari et par l’épouse.

L’adaptation actuelle à une différenciation de moeurs quelque peu désuètes n’est pas en cause dans une réussite non aboutie où effectivement Lysiane Meis excelle dans la provocation sensuelle ingénue et où Phillippe Magnan pousse la distanciation du rôle au-delà des normes conventionnelles.

En trublion maniaque, Marc Fayet joue la composition aux limites de l’excès pendant que Michèle Garcia lui rend, perfidement désabusée, la monnaie de la gente domestique.

A voir pour apprécier un jeu d’acteurs en décalage assumé avec la perspective traditionnelle du Vaudeville.

Theothea le 04/06/09

L'ECORNIFLEUR

de  Jules Renard

mise en scène  Marion Bierry

****

Théâtre La Bruyère

Tel:  01 48 74 76 99

 

     photo ©  Lot  

   

Au jeu de l’amour et de la candeur, voici quatre néophytes qui nous plongent avec ravissement dans le siècle impressionniste finissant, au gré d’une rencontre fortuite dans un tram jusqu’à une villégiature balnéaire au charme suranné.

A l’instar d’un conte d’Eric Rohmer, ces personnages de Jules Renard y pressentent qu’ils jouent avec le feu mais cela leur semble tellement bon qu’il paraîtrait hors question de tempérer les ardeurs du troubadour (Hugo Seksig), de renforcer la vigilance d’un époux (Julien Rochefort), de limiter la disponibilité de l’épouse (Sarah Haxaire) ou de modérer l’ingénuité d’une nièce (Lola Zidi), eu égard à la satisfaction relationnelle escomptée.

En effet, c’est la subtilité de l’auteur, relayée par la retenue de l’adaptation scénographique (Renée Delmas & Marion Bierry) qui, osant braver les conventions bourgeoises, va organiser, avec un bonheur certain, la politesse des sentiments en émois face à l’impétuosité du désir charnel.

Ainsi, Rastignac en poésie de salon, le jeune Henri semble très à l’aise pour se trouver des ouvertures au grand monde. Face à lui, le couple Vernet, quelque peu empêtré dans les convenances mais fort curieux de goûter aux attraits aphrodisiaques de la culture, cherche à en capter les clefs initiatiques.

De repas intimes dans l’appartement parisien jusqu’au séjour estival en bord de mer, le trio va s’inventer un modus vivendi de la séduction que l’arrivée de la nièce aura beau jeu de faire imploser avant qu’une quelconque muflerie latente ne puisse s’emparer de tant d’inclinations amoureuses.

Un régal de mise en scène (Marion Bierry) partagée par quatre comédiens en plein flirt avec des mots d’affection et de tentation délicieuse, si plaisants à dire et à entendre.

Theothea le 23/06/09

LA ESTUPIDEZ  "La Connerie"

de  Rafaël Spregelburd

mise en scène  Marcial Di Fonzo Bo & Elise Vigier

****

Théâtre de Chaillot

Tel: 01 53 65 30 00

 

     photo ©  Christian Berthelot

   

Polar tansgressif de toutes les conventions et de tous les codes de bonne conduite d’une dramaturgie sachant tenir sa route, cet objet théâtral non identifié, traduit à dessein par « La Connerie », débarque dans la salle Jean Vilar de Chaillot en boomerang d’un premier abordage de la salle Gémier en 2008.

Sur le pont du dériveur, cinq pointures dont deux en proue magistralement féminines (Karin Viard & Marina Foïs) pour vingt-cinq rôles à l’arraché durant trois heures trente de bagarres opiniâtres entre des imposteurs du chaos, des maffiosi de l’art et autres marginaux de l’argent roi.

Selon une intrigue passant cul par-dessus tête, c’est à rien n’y comprendre de la cacophonie à plusieurs niveaux d’interprétation, tant la scénographie du nihilisme est fascinante comme du Andy Warhol.

Tel un road movie slalomant entre les chambres d’un Motel de Las Vegas avec vue sur piscine et cabine téléphonique, la course poursuite met en péril de chaque instant, les lois de la gravitation cinétique au point de fonder la schizophrénie en point d’ancrage sécurisé.

Alors que Marcial Di Fonzo Bo, co-metteur en scène de ce sit-com théâtralisé se dédouble en acteur pour cinq personnages à lui seul, ses deux partenaires masculins (Pierre Maillet & Grégoire Oestermann) rivalisent d’inventivité sous fondu enchaîné pour l’égaler au score de l’incarnation en temps réel.

La performance transformiste devient pour chacun le stratagème d’un changement à vue validé par le passage éclair en coulisses... pour le principe et, à n’en pas douter, pour le respect de la règle des trois unités... élevée au énième degré.

Flirtant sur le fil de la catastrophe pressentie, chacun joue la montre pour tenter de s’en mettre plein les poches en narguant et apostrophant ses compagnons de fortune.... jusqu’à jouer la mise contre soi-même... poussant ainsi celle-ci au comble de « la connerie »

Annoncée d’ores et déjà pour la rentrée prochaine à Chaillot et de nouveau grâce à la réalisation de Marcial Di Fonzo Bo et Elise Vigier, « La Paranoïa » de ce même auteur, Rafaël Spregelburd viendra compléter son exploration des sept péchés capitaux, intitulée « Heptalogie de Hieronymus Bosch », effectivement inspirée initialement par l’oeuvre de Jérôme Bosch exposée au Musée du Prado.

Theothea le 05/06/09

UBU ROI

de  Alfred Jarry

mise en scène  Jean-Pierre Vincent

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Comédie Française

Tel: 08 25 10 16 80  

 

       dessin ©  Cat.S / Theothea.com 

   

En faisant entrer aujourd’hui « Ubu Roi » à la Comédie Française, Muriel Mayette, son administrateur n’avait aucunement l’intention de raviver le scandale qu’il y eut en 1896, à sa création au Théâtre de l’Oeuvre.

Au contraire, en mettant délibérément les rieurs de son côté, la mise en scène de Jean-Pierre Vincent a la vertu de consacrer Alfred Jarry, l’auteur de cette pochade de jeunesse, en un précurseur visionnaire des mouvements modernes: le surréalisme, le théâtre de la cruauté d'Antonin Artaud, celui de l'absurde d'Eugène Ionesco, l'invention lexicale d'un Boris Vian etc...

« Merdre », trois fois « Merdre » et voilà le ton de cette « anti-pièce » livré d’emblée aux oreilles, juste interloquées mais, en réalité, si peu choquées de nos jours.

Reste que la farce va prendre de telles proportions dictatoriales que seule la métaphore pourra s’avérer la clef adéquate d’une acceptation des dérèglements engendrés par la folle tyrannie d’Ubu (Serge Bagdassarian) sur son royaume de nulle part... autrement dit, la Pologne.

Non satisfait d’en avoir usurpé le pouvoir étatique, le couple maudit, qu’il forme avec Mère Ubu (Anne Kessler), va semer la terreur sur la population jusqu’au point où la révolte des assujettis va contraindre les Ubu à s’expatrier... pour recommencer, comme si de rien n’était, une nouvelle vie en France !!!

Initialement destinés à des marionnettes, les rôles sont, comme à guignol, des sortes de coquilles souples dans lesquelles le génie des acteurs est en charge d’occuper les planches, tout en évitant précautionneusement d’effectuer un numéro qui pourrait mettre à mal le délire sémiologique savamment orchestré par Alfred Jarry dont, par ailleurs, le clone (Christian Gonon) hante, continûment, la représentation.

Ainsi, le père de la Pataphysique joue avec ses personnages comme s’ils étaient mus par un sens du rapport de forces qu’instinctivement l’enfance ose cultiver dans l’imaginaire.

De cette exacerbation des tensions pulsionnelles va naître, en retour, un défoulement général qu’une perspective moderne pourrait aisément comprendre comme un jeu de rôles, fort bénéfique à tous.

Theothea 03/06/09

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