Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

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15ème  Saison     Chroniques   15.031   à   15.035    Page  260

 

         

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BAHRATI

   

   

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Palais des congrès

 

               Visuel affiche  photo ©  Production Bahrati

     

" Pyaar  Zindagi Hai "

" L'Amour c'est La Vie "

        

            

       photo ©  Cat.S - Theothea.com  

     

La Fête sur scène

&

La Fête dans la salle

LE ROI S'AMUSE

de  Victor Hugo

mise en scène:  François Rancillac

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Théâtre de l"Aquarium

Tel: 01 43 74 99 61

 

       photo ©  Andy Parant.  

         

Un décor de boîte de nuit, clinquant, de pacotille, boules à facettes, sol luisant, glaces amovibles, décor où tout ne sera que reflet et illusion à l’image décadente d’une société dépravée.

Des portes miroitantes, va soudain surgir une bande de jeunes, bruyants, cuirs moulants, portables à la main, courtisans désœuvrés du roi François 1er qui, sensuel et arrogant (Florent Nicoud), vit au rythme de conquêtes féminines successives et veut à tout prix séduire une jeune biche effarouchée entrevue à l’église, le dimanche.

Celle-ci portant le nom de Blanche, toute en virginité et innocence, vit recluse par son père, lequel est en fait Triboulet,  le bouffon sarcastique du roi.

Blanche (Linda Chaïb), petite fille modèle dans sa robe à volants et ses ballerines, une Alice légère au pays des horreurs, sera enlevée de force et déshonorée par le souverain libertin aux mœurs débridés.

Le hic, c’est qu’elle en trouvera une certaine satisfaction, intolérable pour son père qui voudra la venger, échafaudera un plan et la fera tuer par erreur.

Triboulet, un Denis Lavant chapeauté à la Chaplin, explosif, caoutchouteux, élastique, se tord, se contorsionne, jongle avec ses sentiments, passe de la colère à l’accablement pathétique, de l’amour fou pour sa fille à la noirceur absolue, à la fois victime et bourreau et, dans sa démesure excessive, incarne l’image de cette société en dichotomie qui passe de la lumière à l’obscurité, de l’élégance à la vulgarité pour sombrer dans une dépravation où tout n’est que tromperies, reflets d’un pouvoir corrompu.

La cellule rougeoyante telle une vitrine de débauche et de passes, les surfaces brillantes et lisses où tout glisse et rien n’a de profondeur, les paravents chromés tels des miroirs mirages permettent à François Rancillac, directeur de l’Aquarium, et metteur en scène de cette pièce signée Victor Hugo ainsi qu’à Raymond Sarti, le scénographe, de piéger aussi le public qui s’y reflète, voyeur réduit à l’état d’image réfléchissant l’état d’un monde sans repères, déliquescent et délictueux.

Le drame féroce qui se joue sur scène est donc bien et toujours celui du spectateur, traduit aussi dans les costumes (Sabine Siegwalt) mêlant atours Renaissance et tenues moulantes modernes.

Un rythme effréné pendant deux heures et des acteurs convaincants qui déménagent avec un feu follet virevoltant, grimaçant et envahissant tout l’espace.

Cat.S / Theothea.com  le 01/12/10

LULU

de  Frank Wedekind

mise en scène:  Stéphane Braunschweig

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Théâtre de la Colline

Tel: 01 44 62 52 52

 

       photo ©  Elizabeth Carecchio

       

De Nora à Lulu, Chloé Réjon trace un chemin de femme-enfant qui sied à Stéphane Braunschweig, en quête de continuité psychanalytique entre Ibsen et Wedekind.

Voilà que Nora qui, s’émancipant radicalement au terme d’une lutte intérieure d’avec ses tuteurs traditionnels, est désormais projetée dans une tragédie-monstre où elle est censée imposer sa loi aux fantasmes de tout exotisme.

En effet, du masculin au féminin va se tisser une toile libidineuse sur laquelle se projette en vrac toutes les pulsions du désir auquel Lulu entend soumettre son bon plaisir.

« I can get no satisfaction » pourrait cependant se psalmodier le leitmotiv ascendant des happenings successifs qui tentent d’enchanter le lupanar fantasmagorique de la femme devenue fatale, plus ou moins à son insu.

A l’instar de Sacher Masoch, obéissant à la nécessité littéraire de se soumettre au joug récurrent d’une posture féminine dominante, autoritaire et glaciale, Wedekind théâtralise la transgression de l’interdit en une fascination totalitaire à l’égard du sexe se résolvant inéluctablement dans l’anéantissement.

Paradoxalement cette pulsion de mort à l’œuvre universelle et intemporelle dans les relations humaines, apparaît, ici, sous une forme esthétique distanciée, ludique voire humoristique qui pourrait constituer le vade mecum du bon vivant… sans illusion sur son sort.

Toutefois, en faisant le choix de la version primitive réadaptée, in extenso et brut de décoffrage, d’emblée censurée à la publication en 1894, Stéphane Braunschweig a pris le parti d’une création de quatre heures incluant accomplissement et déchéance qui, après l’entracte, menace d’exténuer le spectateur tant celui-ci, d’abord porté par le nuage amoral des cycles luxuriants de l’imaginaire débridé et joyeusement meurtrier, est confronté dans un deuxième temps à l’abstraction morbide et sordide du sexe réduit à son réalisme organique, voire sanguinolent.

Des miroirs enjôleurs de Berlin aux bas-fonds de Londres, en passant par les néons voluptueux de Paris, la scénographie de la tournette sexuelle poursuit, ainsi, sa ronde lubrique mais essentiellement maléfique jusqu’à en broyer, par force centrifuge les cinglant comme des mouches, l’ensemble de ses prétendants au plaisir sans cesse escompté mais toujours frustré.

Surplombant les planches de ce jeu théâtral, un portrait de la belle hétaïre peint par l’un de ses amants, artiste transi d’amour exclusif et inconditionnel, sublime cet espoir de Nirvana en toisant, goguenard, sa descente aux enfers.

Theothea le 19/11/10

LA DOUCEUR DU VELOURS

de  Christine Reverho

mise en scène:  Panchika Velez

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Théâtre des Mathurins

Tel: 01 42 65 90 00

 

       photo ©  Lot 

     

Avec l’auteur Christine Reverho ( « Petit déjeuner compris » & « Chocolat piment ») et la metteuse en scène Panchika Velez ( « Les Forains », « journal à quatre mains » & « Le mec de la tombe d’ à côté ») au service d’un thème psychosocial intemporel et universel lié à un titre suggestivement symbolique, la création théâtrale de « La douceur du velours » aurait dû emporter tous les suffrages.

En effet, ce huis clos d’une jeune femme délirant à partir de futilités apparentes, tout en ingurgitant des chips face à des séries télé insipides, laisse deviner, avec une évidence progressive et inéluctable, le drame intérieur irrésolvable obligeant à son repli sur elle-même, tout en se racontant des histoires de midinettes, en transe récurrente.

En outre, comme son refuge de prédilection se cantonne au territoire d’un canapé qu’elle a acheté, en urgence, avant que de s’isoler du monde social, cet enfermement pourrait prendre des allures de métaphore psychanalytique où ce divan en constituerait le support de projection privilégié.

Cependant, puisqu’ il s’agit d’un « seule en scène », le personnage du thérapeute virtuel devrait être endossé par le public, car Camille est, bel et bien, livrée à elle-même, quasiment en situation de non assistance en personne en danger.

Toutefois le dilemme du spectateur est de se trouver à la fois en relation d’écoute et de compréhension, alors qu’en même temps il assiste à un spectacle hystérisé sans pouvoir intervenir sur les données d’une réalité objective, à la manière d’un cauchemar éveillé.

De ce hiatus, naît un sentiment de frustration où les soixante quinze minutes du spectacle ressemblent à un enfer repeint en rose bonbon, sans qu’il soit possible d’exprimer à Camille qu’elle s’égare dans des affabulations la rendant étrangère à elle-même et, avouons-le, peuvent en contrepartie, inciter le spectateur à se placer en situation de hors-jeu.

L’interprétation de la comédienne, Sophie de la Rochefoucauld, est tout à fait en phase avec la direction de Panchika Velez, dont l’intention est d’éviter le pathos, tout en montrant que la violence subie au quotidien peut s’intérioriser en une mascarade insupportable au regard extérieur.

Oui, les coups peuvent faire encore plus mal à la conscience humaine repliée sur une féminité bafouée et tanguant sur un canapé en perdition au cœur de l’isolement !

Mais pour que le spectacle vivant ait un impact pragmatique sur l’entendement, il est nécessaire que celui-ci entre en empathie; il semblerait paradoxalement que douceur et velours aient, ici, secrété quelques résistances.

Theothea le 26/11/10

DERNIERE STATION AVANT LE DESERT

de  Lanie Robertson

mise en scène:  Georges Werler

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Théâtre du Petit Saint-Martin

Tel: 01 42 02 32 82

 

     photo ©  Lot 

     

Deux mois durant, cette pièce de Lanie Robertson fut à l’affiche du Petit Saint-Martin succédant à sa création à Cachan, en janvier 2010.

Georges Werler, par ailleurs metteur en scène attitré de Michel Bouquet, y tendait les rapports de force entre les personnages jusqu’aux points de rupture où leurs consciences semblaient devoir basculer dans le néant.

A posteriori, il apparaissait que, sur les cinq rôles interprétés dans une tension absolue, deux étaient à la fois, les victimes de leurs fantasmes mais surtout l’incarnation d’un enjeu de dupes.

Les trois autres protagonistes jouaient aux équilibristes entre vie et mort avec la libido de ces partenaires cobayes censés rapporter gros à ceux qui, ainsi, choisissaient d’exploiter les conséquences jusqu’au-boutistes du conditionnement militariste.

Qu’une société ait besoin de manipuler les esprits en les vidant de toute résistance critique afin de poursuivre ses objectifs de domination sur l’adversaire, cela est effectivement vieux comme le monde, mais que cette même société constatant les dégâts existentiels post-traumatiques qu’elle a engendrés, ait le culot opportuniste de miser sur les affres du déconditionnement « sauvage », voilà qui en dit long sur les valeurs éthiques de la civilisation moderne.

Devant ce constat sans rédemption possible, il est aisé de comprendre l’assertion de l’auteur: « J’aime la pièce, je déteste avoir eu à l’écrire ».

La direction d’acteurs était à la hauteur d’une fébrilité moite où les échanges de regard exacerbé exprimaient la violence des mots autant que la sensualité des gestes.

Le décor de cette station-service aux portes du désert, s’offrant virtuellement en rempart ultime des codes sociaux, occupait l’espace scénique avec une telle intensité que l’imagination en transgressait, torride, tous les non-dits autant que tous les hors-champs.

Le 20 novembre 2010 avait lieu la dernière représentation de « Dernière Station avant le désert » au Petit Saint-Martin, gageons que Vincent Grass, Emeric Marchand, Florence Muller, Frédéric Pellegeay & Benjamin Penamara conserveront la marque indélébile de cet happening supraréaliste.

Theothea le 24/11/2010

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