Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques   de

  

21ème  Saison     Chroniques   20.011   à   20.015    Page  403

 

           

     

     

     

           

69ème Festival de Cannes 2016

La Croisette 2016

   

Les Molières 2017

Les Nominés & Lauréats 2017

Les Molières 2017

           

R E V I V A L

Stones 14 on Fire Paris

Wight ! + 46 années après

     

Toutes nos  critiques   2016 - 2017

Les Chroniques de   Theothea.com   sur    

   

THEA BLOGS                    Recherche   par mots-clé                    THEA BLOGS          

MARIAGE ET CHÂTIMENT 

de  David Pharao   

mise en scène  Jean-Luc Moreau  

avec  Daniel RUSSO, Laurent GAMELON, Delphine RICH, Fannie OUTEIRO, Zoé NONN  

****

     

Théâtre Hébertot

Tel  01 43 87 23 23

   

                      ©   LOT    

             

Voici donc une cérémonie de mariage qui, au lieu de se conclure en apothéose hyménéale, serait sur le point de se solder par le châtiment de celui qui aurait commis la faute originelle rédhibitoire et qui, de surcroît, aurait déclenché une véritable réaction en chaîne destructrice de la confiance portée des uns aux autres.

Selon une intrigue digne, par excellence, du théâtre de boulevard et une interprétation finement synchronisée par Jean-Luc Moreau selon l’évolution psychologique des protagonistes se renvoyant, à la manière d’une patate chaude, l’objet du délit, à savoir la menterie initiale donnant lieu par la suite à une ribambelle d’arrangements avec la vérité, Edouard (Daniel Russo) s’apprête, en effet, à décevoir profondément son ami Fred (Laurent Gamelon) pour lequel il aurait dû, dans quelques instants, assumer le rôle de témoin à l’occasion de son union conjugale célébrée avec Louise (Fannie Outeiro).

Mais voici déjà que commence un ballet entre Marianne (Delphine Rich) l'épouse d’Edouard et Gabriella (Zoé Nonn) sa secrétaire qui, rapidement, va faire tourner la tête de celui-ci et l’inciter à oublier sa responsabilité en témoignage nuptial au point de transformer le premier dilemme en manège infernal dès que Fred & Louise seront revenus de la noce qui, faute de sa présence, aura donc dû être annulée.

L’énormité du mensonge invoqué pour tenter de se tirer d’affaires aura tellement de conséquences relationnelles désastreuses que plus rien ne pourra arrêter la machine sociale du parler faux dans sa course contagieuse à rendre plausible ce qui ne peut désormais plus l’être.

Le point de non retour à la franchise étant dépassé, tout ce petit monde va être emporté par la velléité d’une cohérence introuvable et rendre totalement surréaliste la quête du vraisemblable.

Parvenue à ce point d’échappement à l’attraction terrestre, l’écriture de Pharao se dégage du vaudeville traditionnel pour atteindre un état poétique jubilatoire où la dualité savoureuse des deux compères, Edouard & Fred, n’a plus qu’à se laisser porter par la vague féminine, elle, prête à toutes les roueries défensives et bien motivée à enrayer le duo machisme/misogynie voguant tendance désorientée.

Jouant tous, mine de rien, à « plus menteur que moi, tu meurs » alors qu’à tour de rôle chacun tente d’afficher sa pseudo contribution salvatrice, la situation par essence boulevardière pourrait néanmoins être considérée comme une fable plus proche de la « Leçon de vie » ludique que de la simple comédie de divertissement.

En effet, l’art de mentir y apparaît comme une étude de variations spontanées à géométrie variable où tout un chacun finit toujours par mettre le doigt dans l’engrenage et bien souvent davantage… d’autant plus si affinités, Amitié et Amour s’y révèlent ô combien partie prenante.

Theothea le 10/11/16

   

         

               ©   Theothea.com

     

SCENES DE VIOLENCES CONJUGALES 

   

de & mise en scène  Gérard Watkins  

avec  Hayet Darwich, Julie Denisse, David Gouhier, Maxime Lévêque & Yuko Oshima  

****

     

Théâtre de la Tempête 

Tel  01 43 28 36 36

   

                      ©   Theothea.com    

                             

       

     

               ©   Theothea.com

     

LA PEUR 

d'après Stefan Zweig  

mise en scène     Elodie Menant

avec  Hélène DEGY, Ophélie MARSAUD & Aliocha ITOVITCH  

****

     

Théâtre Michel

Tel  01.42.65.35.02

   

               ©   DR.  

               

De la peur à l’angoisse, il n’y aurait qu’un pas à franchir; c’est celui qu’a choisi de mettre en exergue Elodie Menant dont l’adaptation dialectique et la mise en scène catapultent ses trois interprètes au royaume Hitchcockien de la traque progressive au sein d’une montée en puissance qu’Irène vit comme un cauchemar éveillé se refermant inexorablement sur sa capacité à gérer le stress et l’amour.

A la façon du cinéphile de « Fenêtre sur cour », le spectateur de Stefan Zweig est appelé ici à un voyeurisme attentif dont les changements manuels de décor à vue viennent ponctuer ce sentiment diffus d’impasse psychique.

Fritz et Irène sont en couple, depuis une dizaine d’années, projeté dans une scénographie du way of life au cœur de l’Amérique des fifties version futuriste puisque la nouvelle a été écrite en 1913.

Du poste à transistors de l’époque jaillissent le Rock & Roll originel et la pub s’intégrant à la contemporanéité, alors qu’à l’heure du petit déjeuner ensoleillé, mari et femme vaquent conjointement à leurs occupations quotidiennes bien qu’un début de tension semblerait affleurer entre eux :

Rien de grave cependant, qu’un simple repli sur soi momentané suffira à résoudre de façon à pouvoir se concentrer sur leurs tâches respectives.

Mais voilà qu’un tiers va surgir dans cet ordonnancement un peu trop fonctionnel et alors qu’Irène vient de trouver une échappatoire affective à son existence en passe d’être marginalisée par des cours de piano quelque peu adultérins et qu’ainsi, de cause à effet, débutera un processus de chantage et d’extorsion de fonds dont aucune manœuvre en retour ne semblerait pouvoir freiner la pression ainsi exercée par Elsa (Ophélie Marsaud) autrement dite « l’allégorie de l’angoisse ».

Fantasme, schizophrénie, culpabilité, déni de soi, tous ces ressentis contradictoires vont désormais habiter l’entendement d’Irène vivant peu à peu sous la terreur enfantine et régressive d’une chasse aux sorcières dont elle serait à la fois le jouet et l’artisane.

Dans une scène d’anthologie où, semblant se battre contre des moulins à vent, celle-ci affronte Elsa à l’épée virtuelle, son improbable alter ego devient soudain double gestuel lui faisant face, en clone synchronisé, dans une symétrie mentale pareille à celle d’un miroir s’érigeant à la fois en conseiller opportun et adversaire à terrasser.

Quant à Fritz son mari, avocat impliqué professionnellement dans la recherche déontologique de l’aveu, il a beau jeu de feindre l’étonnement et l’incompréhension plongés en pleine fébrilité inquisitrice… jusqu’à ce qu’un coup de théâtre, s’avérant fomenté dès les prémices de leur distanciation réciproque, se prépare désormais à imploser via la remise à l’heure des pendules de la suspicion et du remords face au couple duel.

Dans un jeu intensément intériorisé, Irène (Hélène Degy) et Fritz (Aliosha Itovich) s’invectivent à fleurets mouchetés alors qu’autour d’eux se chorégraphie un ballet de panneaux mobiles ne cessant de se reconstituer en des configurations évolutives mais toujours plus oppressantes.

Les protagonistes eux-mêmes étant les machinistes de ces déplacements modulaires, l’impression d’autodestruction conjugale active paraît s’attacher délibérément à leurs pulsions contrariées dans ce passage à l’acte si mal assumé de part et d’autre… du bourreau à sa victime et vice versa mais… tellement brillant sur le plan dramaturgique.

Theothea le 15/11/16

     

           

               ©   DR.

     

ANGELUS NOVUS 

mise en scène    Sylvain Creuzevault  

avec  Antoine Cegarra, Éric Charon, Pierre Devérines, Évelyne Didi, Lionel Dray, Servane Ducorps, Michèle Goddet, Arthur Igual, Frédéric Noaille, Amandine Pudlo & Alyzée Soudet

 

****

     

Théâtre de la Colline

Tel  01 44 62 52 52

   

          Angelus Novus  ©    compagnie    

       

Selon son « Ange nouveau » aux ailes largement déployées, en accointance avec celles du désir façon Wenders mais dans l’incapacité de les refermer à cause de la tempête paradisiaque, Sylvain Creuzevault élève jusqu’en orbite l’ange de Paul Klee, autrement dit celui de l’Histoire avançant vaillamment vers l’avenir à reculons, regard braqué sur l’immense catastrophe accumulée au cours des temps précédents.

Dans cette perspective, la production « Le Singe » et son collectif n’ont plus qu’à s’emparer du mythe de Faust en le retournant comme le gant du Savoir devenu simple marchandise issue de la productivité contemporaine afin de permettre à son détenteur, non plus de tendre à l’excellence universelle transcendante mais seulement de parvenir à devenir soi-même.

Ainsi, au fur et à mesure des répétitions et des représentations en tournée, les trois figures symboliques (neurologie, biologie et musique) choisies par l’auteur pour représenter l’anti-Faust prendront-elles valeurs de repères dialectiques en harmoniques avec les démons dédiés et projetés en tant que bons ou mauvais conseillers selon la subjectivité du spectateur disposé à la réflexion critique.

Présentement sur la scène du Théâtre de la Colline dirigé par Wadji Mouawad, désormais fort fréquenté par les jeunes générations, la bande à Sylvain a investi les lieux de manière scientifique, c’est-à-dire en faisant labo ouvert à toutes les expériences plus ou moins « fol amour » ou « geek » selon l’humeur des protagonistes.

Après l’entracte, un happening sur fond sobre noir met en exergue un Opéra à quatre têtes aux identités improbablement masquées mettant l’étrangeté à son comble et l’attention musicale à son paroxysme.

Pour clore les deux cent minutes de spectacle, l’Angelus Novus, telle la silhouette d’un gigantesque papillon sans doute en quête du meilleur des mondes, viendra s’esquisser selon un ballet esthétique et poétique renvoyant chacun à ses interrogations métaphysiques tout en se balançant dans un feeling sensuel oscillant entre « savoir » & « savoir être ».

Theothea le 06/11/16

         

       

          Angelus Novus  ©    compagnie    

     

LE DERNIER BAISER DE MOZART

d' Alain Teulié  

mise en scène  Raphaëlle Cambray  

avec  Delphine DEPARDIEU et Guillaume MARQUET    

****

     

Théâtre du Petit Montparnasse

Tel   01 43 22 77 74  

   

                      ©   Theothea.com    

                                     

La pièce se joue dans l'intimité d'un salon aux lourdes tentures et au mobilier style XVIIIème, secrétaire-écritoire, table console, un clavecin trônant au milieu de fauteuils bergères.  Derrière une fenêtre située côté jardin, voltigent des flocons de neige.

Tout ce décor raffiné signé Catherine Bluwal, sous les lumières subtiles de Marie-Hélène Pinon, installe le spectateur dans une époque précise, plus exactement en décembre 1791, lors d'un hiver rigoureux à Vienne.

Il fait bon d'être à l'intérieur de l'appartement de ce musicien de génie qu'est Wolfgang Amadeus Mozart. Et pourtant, une femme portant collier avec pendentif camée sur une robe de taffetas moiré y semble éplorée.

Il s'agit de Constance Mozart, désormais veuve, car le compositeur vient de mourir à 35 ans. Triste mais pas du tout larmoyante et très pragmatique, elle fait entrer, côté cour, un jeune homme vêtu d'un costume de gentilhomme et chapeauté.

Celui-ci se présente sur sa requête car elle cherche quelqu'un ayant assez de talent pour achever le Requiem en ré mineur dont le Maître avait uniquement écrit les premières mesures alors qu'il s'agissait d'une commande pour laquelle une conséquente avance avait été octroyée.

Afin de ne pas avoir à la rembourser d'une part, et pour réhabiliter la mémoire de son mari en vue d'obtenir une pension d'autre part, accablée par des dettes qui la mettent dans une situation financière douloureuse, il est impératif de terminer ce fameux requiem.

Elle porte son dévolu sur un élève fervent admirateur de Mozart. Il se nomme Franz-Xaver Süssmayer. Aussitôt apparu en scène, un échange à bâtons rompus s'établit, qui alternera des moments de douceur, d'espièglerie, de ruse, de brusquerie, de règlements de compte.

Les deux partenaires complices s'adonnent au jeu du chat et de la souris "tu me tiens je te tiens par la barbichette!". Elle, toute en malice, exerce une pression sentimentale sur Franz-Xaver qui fut sans doute un amant d'autrefois.

Lui, vénérant Mozart, hésite, ne sent pas à la hauteur de la tâche demandée et "falsifier" son mentor lui semble une hérésie !

Elle le fait chanter, le met au pied du mur en lui révélant qu'elle a confié la partition dans le plus grand secret à un autre musicien, Joseph Eyber, ce qui le fait littéralement exploser, en proie à un subit excès de jalousie belliqueuse.

Ils se testent; la balance penche d'un côté puis d'un autre. Le ton se fait mielleux chez l'une, plus machiavélique chez l'autre. Leur conversation pleine de tendresse devient joute verbale, véritable jeu de ping-pong aux répliques qui font mouche.

Delphine Depardieu incarne à merveille cette Constance acculée mais faisant front avec détermination.

Pour parvenir à ses fins, finaude, elle tente de manière parfaite d' ensorceler l'indécis. Rampant autour de lui, coquine et aguicheuse, elle lui susurre de sa voix mélodieuse que "son enfant a la même oreille que son papa, signe qui ne trompe pas", et qui sous-entend qu'il en est, à coup sûr, le géniteur, révélation qui étonne amplement Franz-Xaver.

Guillaume Marquet interprète ce disciple fébrile ne sachant sur quel pied danser et qui tente de maîtriser son attrait pour cette femme envoûtante.

Peut-être joue-t-il sa partition un peu trop en retenue, lui qui nous avait éblouis dans sa prestation virevoltante et hilarante de Redillon dans le Dindon de Philippe Adrien et obtenu ainsi, en 2011, le Molière de la Révélation théâtrale masculine.

Ce tête-à-tête aux incisifs dialogues écrits par Alain Teulié évoque, sur fond sonore de musique mozartienne, la dévotion et la tendresse portées mutuellement au grand compositeur et s'interroge sur les possibilités de gérer un tel héritage.

La connivence pugnace de ce duo est orchestrée par la mise en scène délicate et précise de Raphaëlle Cambray.

Peut-être, dans cet écrin chaud et confortable, manquerait-il un soupçon de loufoquerie à la démesure d'Amadeus qui, ainsi, aurait donné son dernier baiser !

Cat’s / Theothea.com le 15/11/16 

   

             

               ©   Theothea.com

     

Recherche   par mots-clé