Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques   de

  

21ème  Saison     Chroniques   20.081   à   20.085    Page  417

 

     

     

     

D'un Théâtre L'Autre

   

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THEA BLOGS                    Recherche   par mots-clé                    THEA BLOGS          

ERICH VON STROHEIM

de Christophe Pellet

mise en scène Stanislas Nordey

avec Emmanuelle Béart, Thomas Gonzalez & Laurent Sauvage (ou Victor de Oliveira)

****

     

Théâtre du Rond-Point

   

             © Jean-Louis Fernandez

                     

Voici « Elle, l’Un et l’Autre » dûment en trio, à l’instar d’une Emmanuelle Béart flanquée des « Jules & Jim » valeureux soupirants ou clones du désenchantement partagé à trois selon toutes les combinatoires de duos envisageables, qui pourraient s’adonner aux interrogations tournant sur elles-mêmes de manière infinie... au Rond-Point.

Au sein d’une proposition d’une dizaine de textes théâtraux sélectionnés personnellement par Stanislas Nordey, en perspective d’une création originale laissée au choix d’Emmanuelle, celle-ci s’éprit alors d’« Erich Von Stroheim » en raison de son énigme existentielle ouverte restant non résolue.

La comédienne, ainsi séduite par le concept circulaire du triptyque amoureux induit par son auteur Christophe Pellet, pensait de surcroît que ce flux libidinal atypique forcerait la mise en scène à explorer des zones non encore défrichées par Nordey.

En effet, depuis quelque sept années, Emmanuelle & Stanislas s’efforcent de construire par capillarité complémentaire un partenariat spécifique où celui-ci devenu son mentor dramaturgique, celle-là, en disciple exclusive, lui renvoie une image de parcours en étapes « infranchissables » à vaincre au fur et à mesure avec, en émulation à la clef, une éventuelle apogée… en point de mire !

Cependant pour « Elle », l’Amour ne relève guère de l’épanouissement et de la satisfaction puisque « l’Autre & l’Un » surfant sur les désillusions successives, ses deux partenaires de scène (Thomas Gonzalez & Laurent Sauvage ou Victor De Oliveira) sont constamment en quête de variantes, de dérivatifs, d’alternatives qui pourraient suppléer au déficit d’âme qu’ils subissent plutôt que de le maîtriser.

L’acte sexuel est constamment évoqué, de manière latente et sous-jacente, sous de multiples apparences sans que jamais le moindre passage à l’acte n’affleure la représentation théâtrale scandée au diapason des seuls mots « bruts » de Pellet.

Ainsi, le souhaite Stanislas Nordey vouant un culte sans limite à la force du langage dans toutes ses composantes d’autant plus si transgressives.

Par ailleurs, selon des méthodes ayant géré au summum sa carrière et sa destinée d’acteur culte, toute symbolique s’affiche ici la référence à Erich Von Stroheim représentant à lui seul l’incarnation de la mythomanie, de la mystification et du mensonge tout azimut portée au niveau inégalable de chef d’œuvre.

Alors faudrait-il, à l’instar de cet Artiste de l’Absolu, prendre ses désirs pour des réalités et ainsi se composer une identité flatteuse à ses propres yeux avant que d’en phagocyter autrui ? Voilà effectivement une des pistes parmi d’autres étudiées par les membres du pseudo triangle amoureux avant que de fantasmer un rejeton qui, par son existence, pourrait acquérir le talent de rebattre les cartes de leur contingente destinée humaine.

Quant à Emmanuelle Béart, à la recherche d’un « anonymat » quasi métaphysique pour mieux appréhender son travail de troupe, la comédienne avance ainsi sur la carte du Tendre accompagnée d’autant de cavaliers servants que ceux-ci sont tenus à distance grâce à la magie du texte théâtral et alors qu’en contrepoint formel l’un des comédiens s’essaye à la performance de jouer « nu » de bout en bout du « happening » scénographique ainsi projeté par l’actrice « engagée » s’étant, elle par ailleurs, mise en congé délibérément indéterminé... du Cinéma.

Theothea le 28/04/17

       

     

               ©   Theothea.com

     

APRES LA REPETITION

de Ingmar Bergman   

mise en scène  Nicolas Liautard 

avec  Sandy Boizard, Carole Maurice & Nicolas Liautard 

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Théâtre de la Tempête

   

                      ©   Theothea.com    

                             

       

     

               ©   Theothea.com

     

LA JOURNEE D'UNE RÊVEUSE (Et Autres Moments...)

de  Copi 

adaptation & mise en scène  Pierre Maillet 

avec  Marilu Marini  & au piano Lawrence Leherissey

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Théâtre du Rond-Point

   

                 © Tristan Jeanne-Valès

     

Dans ce Théâtre du Rond-Point où Madeleine Renaud fut la première grande dame à outrepasser les normes en incarnant jusqu’au grand âge la « Winnie » de Beckett dans « Oh les beaux jours ! » ou l'intrépide « Maude » en compagnie de son jeune « Harold », il est heureux que le flambeau de la transgression soit repris par la main experte d’une égérie ayant inspiré et subjugué auteurs et metteurs en scène tout à la fois fantasques et visionnaires à l’instar de Copi & Alfredo Arias soufflant dans le sens de l’absurdité et de l’étrangeté en provenance d’Amérique du Sud.

De son plein gré, Marilú Marini serait donc en charge de mémoire tout autant que d’actualisation de l’entendement affrontant l’irrationnel jusqu’à faire céder les sirènes du bon goût ou de la cohérence apparente.

Sur la scène arpentée par la muse mythique en attente du public prenant place des sièges attribués, celle-ci cherche à s’échauffer physiquement et psychologiquement auprès des spectateurs à peine persuadés que l’artiste est, de fait, déjà parmi eux sans aucun préambule… puisque effectivement son « show » n’est pas encore commencé.

Cependant, au top départ des lumières se focalisant sur le plateau, Marilú Marini va d’emblée s’afficher en feu d’artifices comportementaux et verbaux que, jamais au grand jamais, les bonnes manières et le juste ton n’oseraient formellement revendiquer.

En effet, de ruptures de rythmes en postures provocatrices, de compréhensions bienveillantes en colères feintes, de naïveté délibérée en cynisme ébahi, toute la palette de son savoir-faire, sans pour autant avoir l’air d’être experte en une discipline plus qu’une autre, fait œuvre d’autorité et de charme qu’aucun pouvoir alternatif ne pourrait contrarier.

Seule compte la magie du clown obligeant le public à la suivre sur son terrain de prédilection tout en ayant la faculté de pouvoir en permanence changer à vue les règles du jeu la reliant par un fil ténu mais néanmoins tellement résistant sous l’authenticité du geste artistique.

Donnant de-ci de-là des coups de pattes politiques & idéologiques sous-jacents aux métaphores scénographiques explicites, l’actualité hexagonale peut surgir ponctuellement au sein d’un tableau induisant une nostalgie profonde et prégnante notamment à l'évocation de la culture argentine.

Loin de vampiriser Copi à elle seule, la comédienne lui rend ainsi le meilleur hommage possible en impliquant son propre talent jusqu’aux confins de l’autodérision où le ridicule ne pourrait la tuer tant la conviction d’évoluer au-delà des contingences rationnelles se présente comme la garantie à vivre pleinement le surgissement théâtral dans l’instant présent… et donc forcément exclusif et unique.

Bien entendu, Lawrence Leherissey son pianiste, fort doué, évolue dans la sphère du multitâches puisque son rôle de partenaire musical se dédouble en une complicité de faire-valoir autant que de souffre-douleur assumée jusque dans les contradictions du rejet patenté mêlé à une dévotion admirative à connotations oniriques.

Marilú Marini a atteint désormais une aura de Diva que le Rond-Point a ainsi l’intuition judicieuse d’honorer et serait, en quelque sorte, bien inspiré d’en réitérer les opportunités d’une célébration récurrente… comme d’ailleurs pourrait l’être judicieusement, par association implicite, celle invoquée de Madeleine Renaud.

Theothea le 08/05/17

       

     

                ©   Theothea.com    

     

LE TESTAMENT DE MARIE

de  Colm Toibin 

mise en scène  Deborah Warner 

avec  Dominique Blanc 

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Théâtre de l'Odéon

   

                  ©   Theothea.com    

                                 

Pour peu que le Théâtre de L’Europe se soit subitement transformé en Cathédrale selon la circonstance, voici donc qu’une procession de spectateurs, en s’élevant de cour à jardin, déambule sur la scène, curieuse d’y voir de plus près les bougies brûlant en hommage à la Vierge Marie, elle-même statufiée dans une cage de verre sous les traits d’une Dominique Blanc au teint cireux plus vrai que nature… pourtant bel et bien comédienne à part entière comme jamais !…

En effet, quelques instants avant que ne disparaissent du décor scénique tous les atours symboliques de l’effet bondieuserie en compagnie d’un vautour apprivoisé, métaphoriquement friand de petits lapins, la vénération touristique bat son plein sur les planches de l’Odéon à l’instar d’un pèlerinage laïque devant bientôt laisser place à la dramaturgie théâtrale dédiée.

Coup de baguette magique sur la citrouille de verre et voici que, dans un cri primal digne d’une actrice se désinhibant de tout corset liturgique et idéologique, Dominique Blanc débute son monologue au sein d’un cauchemar éveillé… en pleine confidence avec le public, son unique rempart du drame par lequel le nouveau testament l’a « sanctifiée » à son insu depuis deux mille et quelques années.

C’est donc l’histoire d’une mère et de son fils « fugueur » que celle-ci va se conter à elle-même, en se tenant au plus loin des pressions destinées à rendre synoptiques les évangiles qui relateront l’avènement du fils de Dieu sur terre par l’intermédiaire de l’immaculée conception tout en préparant son ascension triomphale aux cieux non sans avoir expié auparavant, dans l’extrême douleur, les péchés de l’humanité tout entière.

Voilà donc Marie en exil à Éphèse jamais remise de cette période tragique où elle assista en témoin médusé au départ de son fils du domicile familial, sis à Nazareth, pour rejoindre une « bande de désaxés » en devenant leur chef charismatique jusqu’au point où ces « disciples », à force d’admiration illimitée l’installant sur un piédestal, finissent par le nommer « fils de Dieu ».

Entraîné par ce tourbillon du pouvoir exercé sur les foules, le fils prodigue se mit alors à effectuer d’ambigus miracles démultipliant encore davantage la fascination collective que Marie pressentait comme une arme prête à se retourner contre son rejeton adoré.

En conséquence, malgré tous les efforts de cette mère invitant son fils à reprendre raison et pieds sur terre, il n’en faudra pas davantage que la redoutable proclamation « Roi des juifs » pour mettre définitivement le feu aux poudres entraînant sa condamnation à mort.

Au diapason d’un chemin de croix gravi en calvaire sur le mont des Oliviers, Marie se remémore tous les moments du supplice jusqu’à l’infernale crucifixion dont chaque clou la pénètre à jamais jusqu’au fond de sa tourmente maternelle infinie.

A l’image de ces jeunes contemporains s’engageant dans des combats chimériques au nom de causes transgressives face à des familles désarmées et terrassées, rien ne pourrait venir consoler Marie encore moins justifier sa perception d’une responsabilité entravée par le mal absolu ayant gangrené le destin d’un fils magnifique à qui tous les espoirs de réussite sociale étaient permis.

A la suite de Fiona Shaw à Broadway en 2013 puis à Londres en 2014, la performance de Dominique Blanc, pareillement sous la direction de Deborah Warner, est emplie d’une intensité, d’une gravité, d’une force atavique à dépasser les croyances contingentes; cela autorisera Marie de clamer, en épilogue au roman de Colm Toibin, à haute et intelligible voix :

« La soi-disante mission de mon fils n’a pas sauvé le monde. Cela n’en valait pas la peine. »

Theothea le 12/05/17

         

       

               ©   Ruth Walz

     

LUCRECE BORGIA

de  Victor Hugo 

mise en scène Henri Lazarini & Frédérique Lazarini   

avec  Frédérique Lazarini, Emmanuel Dechartre, Didier Lesour, Marc-Henri Lamande, Hugo Givort, Louis Ferrand, Clément Héroguer, Pierre-Thomas Jourdan, Adrien Vergnes, Kelvin Le Doze

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Théâtre  14

   

              ©   LOT

                             

Au théâtre 14 est repris depuis le 19 mai "Lucrèce Borgia", spectacle créé en 2014 par Henri Lazarini et Frédérique Lazarini sa fille, fondatrice de la Compagnie "Minuit Zéro Une" et qui joue, ici, le rôle-titre.

Des mises en scène très gothiques du drame ont été réalisées récemment, comme celle de Denis Podalydès au Français avec Guillaume Gallienne en travesti puis remplacé par Elsa Lepoivre et celle de David Bobée avec Béatrice Dalle qui a fasciné le public devant le décor particulièrement envoûtant du Château de Grignan.

Les Lazarini proposent ici une version plus modeste, d’une esthétique plutôt minimaliste et dépouillée par l'absence de décor, juste des fauteuils, mettant ainsi en valeur l'ampleur lyrique du texte hugolien. La pièce de Victor Hugo, en trois actes, écrite en 1833, relève du pur mélodrame avec ses sentiments exacerbés, ses situations dramatiques, ses émotions poussées au paroxysme.

Dans leur subtile mise en scène, les personnages évoluent sur fond d'un simple écran rouge et noir, habillés eux-mêmes de rouge et surtout de noir pour mieux marquer la dichotomie des pulsions qui animent la pièce : l’Amour dévorant et la Mort qui, telle une ogresse dévastatrice, va tout submerger.

Dans une lumière crépusculaire, le rideau se lève sur des hommes qui portent des masques macabres. Ils avancent alignés vers les spectateurs, accompagnés par une musique lancinante (John Miller), créant une atmosphère lugubre, avant d’arracher leur masque pour que commence la tragédie à visages découverts.

Le groupe de jeunes nobles tout de noir vêtus évoque les affaires de la famille Borgia.

Gennaro (Hugo Givort), élevé par un pêcheur quelque part sur l’Adriatique, devenu à vingt ans un capitaine plein d’ardeur, est séduit par Lucrèce, qu'il a rencontrée, masquée, lors d'un bal dans la cité des Doges. Lucrèce, en retour, troublée par les lettres qu'il lui lit, lui témoigne un amour débordant.

Les compagnons de Gennaro lui révèlent l'identité de la femme qu'ils humilient en criant leurs noms et leurs parents assassinés sous les ordres de la duchesse. Devant l'atrocité des crimes et une telle démonstration de cruauté, le coeur de Gennaro s'emplit de haine. Vilipendée, bafouée, Lucrèce n'aura plus qu'une envie, leur faire payer l'outrage infligé.

Son obsession de châtiment deviendra terrifiante lorsqu'elle apprendra par le duc d'Este qu'un individu a arraché le B de BORGIA gravé sur les armoiries de leur palais résidentiel, laissant visible aux yeux de tout Ferrare le mot avilissant de "ORGIA " et renvoyant ainsi une image dévalorisante de sa personne ! "Or, je vous le déclare, monsieur, je veux que le crime d’aujourd’hui soit recherché et notablement puni...!".

Le Duc Alphonse d’Este, quatrième mari de Lucrèce (les trois précédents ont été assassinés) interprété par Emmanuel Dechartre, ceint d'une toge au profond velouté noir, sobre et fin manipulateur, condamne à mort Gennaro pour crime de lèse-majesté et l’empoisonne avec le célèbre poison Borgia. Par un subit volte-face, Lucrèce veut l'épargner et implore Gennaro de boire le non moins célèbre contre-poison Borgia. C’est que Lucrèce est une mère sublimée d’amour, écartelée par un secret non avouable : Gennaro est un Borgia, fruit de son amour incestueux avec Jean, l’un de ses frères.

Flamboyante et de rouge vêtue, Frédérique Lazarini est Lucrèce Borgia. Elle alterne avec une conviction survoltée des phases d'une violence impitoyable, des moments d’exubérante animosité avec des phases de tendresse et de faiblesse aussi délicates qu’un cœur aimant et souffrant peut exprimer.

Aidée par l'ambigu et machiavélique Gubetta, dans les oripeaux d'une mendiante, mi-diseuse de mésaventure, mi-confidente, joué par un délirant Didier Lesour, elle ira jusqu'au bout pour éliminer les nobliaux qui l'ont humiliée, au cours d'une dîner funèbre chez la Princesse Négroni, réduite, ici, à l' étrange apparition surréaliste d'une femme masquée enfermée dans une cage. On assiste alors à une interminable beuverie de six gaillards vénitiens s'empoisonnant lentement sans le savoir au vin de Syracuse, au son des chants mortuaires de moines pénitents. Scène qui se révèle longue et assez plate, les jeunes gens dont la distribution est inégale se contentant de se lancer les bouteilles et de les rattraper en vociférant.

Hormis ce bémol, c'est le texte monstre et furieux de Hugo qu'on entend, théâtre des passions exaltées et contradictoires où le bien et le mal se percutent, où le grotesque et le sublime se côtoient. A la fois, déchaînée par l'envie de vengeance et transcendée par l'amour maternel, Lucrèce, schizophrène dans ses délires, attise la pitié. Dans le malheur, cette âme difforme retrouve une réelle et lumineuse beauté.

La tragédie grecque n’est pas loin : la pureté du sentiment qu’éprouve Lucrèce la contraint à se taire et cause fatalement sa perte et celle de l’être chéri. Elle est désormais revêtue du noir de la Mort. Venise avait permis à une mère de retrouver son fils. Ferrare en sera leur tombeau.

Cat’s / Theothea.com le 15/06/17 

       

     

             ©   LOT

     

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