D'un Platonov à l'Autre, de son adaptation conceptualisée à
sa création actualisée, cette première pièce
du jeune Tchekhov se présente de nos jours, après avoir longtemps
été ignorée, comme un formidable terrain de jeu où
chaque metteur en scène, qu'il soit novice ou aguerri, a envie de
se confronter dans la perspective d'y imprimer non pas sa vision subjective
mais dy entrer en résonance avec la contemporanéité
en fonction dune relation spécifique au monde.
De là à suggérer que lécriture en serait
existentielle et qu'elle engagerait ses protagonistes dans une démarche
en miroir de la société, il n'y aurait que le desiderata de
chacune des réalisations se sentant d'autant plus libre de fantasmer
à ce sujet qu'Anton Tchekhov lui-même n'a jamais eu la satisfaction
dapprécier sa dramaturgie initiale jouée sur scène.
Cest donc quasiment sur un canevas vierge que lensemble des
scénographies aborde, de fait, cette pièce sans titre originel
connu alors que d'une façon empirique le patrimoine culturel sest
résolu de lintituler par le nom de son anti-héros
emblématique à savoir « Platonov ».
Donc carte blanche tout azimut pour la réception des retrouvailles
organisées par Anna Petrovna (Kristina Strelkova) dans sa
villégiature dété à la campagne !
Et c'est bien ainsi que Vincent Pouderoux, avec son collectif menant le Festival
de la Luzège désormais en codirection partagée, entend
attirer, étonner et satisfaire, à la fois, un public local
corrézien augmenté du tourisme saisonnier selon des
représentations itinérantes au nombre de 14 pour
lédition en cours.
Distraire et en même temps se poser des interrogations concernant la
nature humaine, paradoxalement ambitieuse et laxiste, tel pourrait être
présentement le cahier des charges d'une mise en scène souhaitant
plaire tout en incitant à la dialectique.
Alors même si Platonov ne peut se réduire à Don Juan,
il est assez judicieux, pour fustiger les travers de l'âme, de parodier
lhumanité sous l'angle de la conquête amoureuse en cercle
vicié de façon à en tester, in vivo, le non sens, la
vacuité et le vide abyssal engendrés par la volonté
de domination obstinée.
En laissant les stigmates caricaturaux démontrer par le rire du public
sa profonde désapprobation face au comportement de séduction
systématisée, se dégageront néanmoins, en
parallèle, les vertus contradictoires de la provocation ludique voire
sarcastique.
Le Donjuanisme deviendrait donc ici la métaphore d'une vie sans effort,
sans morale, sans valeur de référence alors que dans un concept
de spirale infinie serait générée une sorte de typhon
de lennui aspirant a parité l'exacerbation du désir personnel
en même temps que l'exaspération dautrui; ce qui pourrait
aisément engendrer à terme l'autodestruction programmée
autant que le meurtre commandité tant les susceptibilités seraient
avivées au sein du ressentiment délétère.
Cela dit, la problématique Tchekhovienne voulait-elle
demblée, pour ce coup dessai, faire la part belle au nihilisme
dépressif ou à la passion incontrôlée ?
A ce stade du questionnement, on se contentera dune réflexion
en attente potentielle dune énième création de
« Platonov » in extenso ou, comme ici,
synthétisée de quelque six heures à, pourquoi pas, un
peu plus d'une heure et demie !