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Les    Chroniques   de

  

27ème  Saison     Chroniques   27.01   à   27.05    Page  476

     

     

       

                   

                 

  Carmen Maria Vega - Fais-moi mal Boris ( à La Nouvelle Eve ) -     © Theothea.com

   

     

   

     

 

   

       

   

       

 Carmen Maria Vega - Fais-moi mal Boris ( à La Nouvelle Eve ) -     © Theothea.com

     

     

   

            

           

   

     

                

     

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LE JOURNAL D'UNE FEMME DE CHAMBRE

« Le Journal d’une Femme de Chambre » Lisa Martino mise en scène par Nicolas Briançon à La Huchette

          

d' Octave Mirbeau  

mise en scène   Nicolas Briançon  

avec Lisa Martino    

   

****

     

Théâtre de La Huchette

      

© Fabienne Rappeneau

                   

Seule sur scène avec le journal d'Octave Mirbeau, celui de la femme de chambre que le dramaturge constitue en témoin privilégié de la société de son époque (1900) ainsi qu'en observatrice et portraitiste en prise avec le choc des classes sociales faisant des populaires les obligées des nanties, Lisa Martino se voit, elle, investie par Nicolas Briançon d'objectiver son interprétation pour être au plus proche du fameux roman afin d'en stigmatiser les moeurs... bien avant "Me too".

Cependant c'est en s'abstenant à dessein de tout jugement moral qu'il faut apprécier la forme littéraire de Mirbeau qui, dénonçant l'esclavagisme généralisé, distille un souffle puissant et ambitieux à celle qu'il incite à s'élever au-dessus du cloaque de la nature humaine universelle voire intemporelle.

La valeur du style se mesure alors par la permanence à prendre le parti de ne jamais se laisser entraîner par la bassesse humaine décrite à satiété mais tout au contraire à relever la tête pour en pourfendre le vice congénital.

Comme dans une sorte d'écartèlement entre le bien et le mal, l'écrivain et son lecteur avancent en taillant à coups de serpe le terreau nauséabond sur lequel ensemble ils évoluent de concert mais dont Célestine tient la barre avec le sourire forcené alors que Lisa est présentement en mission de le médiatiser hic et nunc sur le "microscope" scénique de la Huchette.

La force théâtrale se manifeste dans le geste charnel consistant à faire passer la couleur des mots choisis dans l'intention éthique de terrasser l'adversité.

Ce n'est pas pour rien qu'Octave Mirbeau a été éduqué par les Jésuites, il en porte le flambeau du dépassement de soi délibérément transgressif.

Si, sur les planches, la dramaturgie relationnelle se focalise sur la place de servante pour laquelle Célestine vient d'être embauchée au Prieuré en Normandie chez les Lanlaire et qu'elle occupera jusqu'à sa démission dans la perspective de se marier à Cherbourg avec Joseph, son collègue jardinier-cocher, le roman, lui, multiplie les flash-back reconstituant son parcours professionnel à travers maintes expériences chez les "Bourgeois" toutes plus désastreuses les unes que les autres mais dont l'accumulation secrète la sève explosive et néanmoins existentielle de sa personnalité.

Ce n'est guère en s'épanchant sur ses malheurs présents et passés que se relate son journal intime à portée exemplaire mais bel et bien dans l'affirmation d'une prise de conscience concernant l'inertie collective favorisant exclusivement les possédants au détriment de ceux qui sont exploités pour en perpétuer le système.

Au cœur de l'enchaînement destructeur, la spoliation sexuelle se dresse comme l'un des principaux rouages du fonctionnement social au travers de son catalogue infini de perversités plus ou moins explicites.

C'est effectivement dans l'ambiguïté qu'excellent et progressent les postures apparemment vertueuses se retournant aisément en leurs valeurs contraires où toutes les vilenies ont liberté de prospérer.

Si donc l'invite du spectacle à lire l'œuvre d'Octave Mirbeau s'exerce avec tant de persuasion bien qu'il soit peu possible d'en sortir indemne, c'est que derrière chaque fait délictueux dénoncé s'en cache systématiquement un autre encore moins reluisant et ainsi de suite jusqu'à saturer l'espace vital de chaque domestique employé à satisfaire le caprice incessant de ses maîtres.

Cependant au lieu d'en tirer un constat désabusé, c'est comme si l'auteur nous prenait par la main pour ouvrir la porte de sortie vers un monde meilleur que seule l'intelligence pragmatique serait à même de décider par elle-même... encore faudrait-il qu'elle soit convaincue du bienfait à long terme pour l'humanité !

Lisa Martino s'applique, mutine, à mettre ses pas dans ceux de Célestine; la comédienne se laisse porter par le personnage sans chercher à en prendre la directive ou l'ascendant... de façon à le situer juste là où Octave Mirbeau le mène, c'est-à-dire dans cet espace temps où tout reste contradictoire à jamais mais où "l'intégrité"est le seul refuge qui vaille.

Nicolas Briançon, lui, veille à ce que chacun soit bien à sa place, y compris celle du metteur en scène afin de pouvoir assister tous ensemble à l'écoute fructueuse et, si possible, profitable du "Journal" d'Octave !

Theothea le 06/10/22

           

     

© Theothea.com

     

LES HUMAINS

"Les Humains" Isabelle Gelinas & Bernard Campan pendent la crémaillère à La Renaissance

          

de Stephen Karam

adaptation & mise en scène  Ivan Calberac

avec   Isabelle Gélinas, Bernard Campan, Mélanie Bernier

Astrid Ortmans, François Nambot et Michèle Simonnet 

   

****

     

Théâtre de La Renaissance

      

©  Fabienne Rappeneau

   

Du haut en bas de l'escalier en colimaçon, de la mezzanine au salon, le souplex (duplex dont l’étage du bas est en sous-sol) nouvellement investi est en recherche de son propre rythme convivial à la suite de l'emménagement de Pauline (Mélanie Bernier) avec son compagnon Louis (François Nambot) au sein du nid urbain tant convoité dans lequel le jeune couple a invité la famille côté épouse à fêter Noël à Paris, en place du Thanksgiving dans la version New-Yorkaise originelle de Stephen Karam, l'auteur américain à succès couronné en l'occurrence par 4 Tony Awards 2016 sur les 6 pour lesquels sa création fut alors nommée.

Isabelle Gelinas la mère et Bernard Campan le père arrivent donc en compagnie de la grand-mère impotente et de leur fille aînée au domicile de la cadette tout émoustillée à l'idée d'inaugurer un nouveau style de retrouvailles familiales...

Chacun ayant toujours quelques travers à reprocher à ses proches, le repas de réveillon s'annonce haletant de règlements de compte sinon bienveillants tout au moins emplis de compassion motivée... Mais d'emblée, avant même que Marion (Astrid Ortmans) l'aînée trouve à redire en étant guidée par sa compétition en amour vache qu'elle entretient viscéralement avec sa frangine, c'est la mémé (Michèle Simmonet), paralysée avec Alzheimer et néanmoins en verve lapidaire, qui va ponctuer la conversation débridée d'intempestifs " Dans la vie, on ne peut jamais revenir en arrière !... " déclinés sur tous les tons déclamatoires et qui, mine de rien, vont graver la thématique de ce happening circonstanciel.

En effet, à dire vrai, comme tout un chacun dans nos sociétés contemporaines, les protagonistes de cette famille lambda ont des failles plus ou moins dissimulées sous des couches de savoir-faire ou simplement de savoir-vivre, et c'est donc la plupart du temps sous le masque de la composition adaptée aux opportunités que chacun se profile une identité formelle à géométrie variable pouvant éventuellement se craqueler au contact contagieux de confidences réciproques provoquées dans un contexte incitateur.

Et c'est donc ce qui va se dérouler sous nos yeux de spectateurs plus ou moins impliqués par les récits psychosociaux en souffrance dont il n'est pas aisé de décider si c'est le déni délibéré ou, au contraire, la prise de conscience avérée qui pourrait apporter la panacée salvatrice.

En fait, tous sont englués dans un quotidien insatisfaisant et frustrant pour lequel ils souhaiteraient que ces précieux moments de réunion familiale puissent agir en soupape collective.

Et, sans aucun doute, c'est le corollaire suggéré par l'admonestation de l'ancêtre prônant de fait "la marche en avant" qui s'avèrera être le seul remède à toute tentation d'évaluer la soit-disant insouciance du passé à l'échelle des contraintes annoncées pour le futur dans tous les domaines où l'effort de se résoudre à vivre sera finalement la seule clef qui vaille.

Mais comme l'environnement est essentiel à la capacité d'acquérir des parades efficaces, l'auteur plonge ses personnages dans des perplexités domestiques pour le moins contraignantes.

En effet, monter et descendre constamment l'étroit escalier en tire-bouchon pour vaquer aux aisances sanitaires ou devoir supporter le vacarme récurrent de voisins indélicats sans même comprendre la nature de leurs bruits émis à intervalles crispants sont, parmi d'autres, autant de catalyseurs programmés pour suggérer le ras-le-bol généralisé jusqu'au terme provisoire de cette soirée de réjouissances concertées qui aura, par ailleurs n'en doutons pas, remis les pendules à l'heure affective.

Succédant dans ce même théâtre de La Renaissance à la Comédie Moliérisée 2019 "La Dégustation" dont il était l'auteur, avec déjà Bernard Campan dans son casting, cette nouvelle mise en scène d’Yvan Calberac se double ici d'une adaptation aux style de vie et moeurs spécifiquement français dans un décor fort similaire à celui ayant fait les belles soirées de Broadway mais avec translation du fameux escalier de Jardin à Cour.

L'interprétation est drôle et savoureuse; l'équipe des six comédiens forment une entité fort sympathique avec laquelle le spectateur pourrait aisément se sentir " comme à la maison ".

Theothea le 18/10/22

                       

             

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LA MEGERE APPRIVOISEE

"La Mégère apprivoisée" de Shakespeare mise en abîme entre Théâtre & Cinéma

          

de  William Shakespeare 

mise en scène  Frédérique Lazarini  

avec  Alix Benezech, Cédric Colas, Hugo Givort, Bernard Malaterre et Guillaume Veyre   Film de Bernard Malaterre avec Charlotte Durand-Raucher, Didier Lesour & Jean-Marc Boissé

****

     

Artistic Théâtre & Tournée

      

© Marion Duhamel

   

Créée début 2020 juste avant les interruptions pour cause de Covid, La Mégère de Frédérique Lazarini s'est ensuite installée au Chêne noir lors du Festival d'Avignon affichant ainsi tour à tour Sarah Biasini & Delphine Depardieu dans le rôle titre... assumé désormais par Alix Bénézech lors de cette reprise d'octobre 22 dans ce même Artistic Théâtre avant que de poursuivre la tournée hexagonale débutée le mois précédent qui se prolongera durant la saison 2023.

Le ton est à la farce burlesque car la metteuse en scène a souhaité rassembler tous les éléments qui président à la Comédie Italienne et, plus précisément, celle qui a constitué l'originalité, le charme et l'efficacité du cinéma italien en noir & blanc dans les années 50-60.

En effet, faisant lien métaphorique entre les personnages fantasques, bouffons et truculents des Vittorio de Sica, Monicelli, Comencini, Risi, Fellini... d'avec ceux de Shakespeare en l'occurrence pour sa "Mégère", l'idée aurait été de télescoper Théâtre et Cinéma en les rendant dialectiques, complémentaires et donc créatifs d'une expression artistique à part entière pour laquelle de la scène à l'écran pourrait s'exprimer le jeu de l'observation, du dialogue et de la séduction réciproques.

En répartissant ainsi les protanogistes de part et d'autre du miroir virtuel qu'est l'objectif de la caméra, ceux-ci auraient la faculté de pouvoir focaliser l'intrigue sur ses lignes de force qui relieraient en priorité Catarina à Petruchio projetant à leur tour en toile de fond l'imaginaire cinéphile des grandes stars de l'époque comme Sophia Loren, Monica Vitti, Gina Lollobrigida, Anna Magnani, Silvana Mangano... dont l'apparition sur l'écran tels des clones mémoriels ciblerait le véritable enjeu de la représentation à savoir l'émancipation de la "Mégère" face à son mentor, lui étant sans doute davantage bienveillant que les apparences pourraient le laisser supposer.

Cependant c'est au terme du processus de conquête menée par ce prétendant parvenant à obtenir l'acquiescement de sa future épouse que Frédérique Lazarini va lancer son prodigieux bouquet final réunissant en un coup de baguette magique le point de vue de la sœur présupposée de Shakespeare qui, s'associant à Virginia Woolf (extrait d' "Une chambre à soi"), contournera habilement et neutralisera ainsi la déclaration de soumission nuptiale absolue prônée par le dramaturge anglais alors qu'aucun adepte des messages sibyllins cachés sous la caricature patriarcale ne pourrait de nos jours recevoir celle-ci sans s'offusquer... bien que Catarina soit pleinement libre de commencer son plaidoyer en prononçant ironiquement ces paroles devenues désuètes et caduques.

Face aux spectateurs, les cinq comédiens prennent grand plaisir à interpréter cette scénographie décalée s'organisant autour des bancs d'un cinéma itinérant en plein air.

Cette adaptation ingénieuse pourrait d'ailleurs aisément faire florès et inciter d'autres projets permettant de rendre l'accessibilité de Shakespeare aussi féconde que le sont ses écrits.

Theothea le 23/10/22

                         

             

© Theothea.com

     

LE PRINCIPE D'INCERTITUDE

"Le Principe d'Incertitude" Laura Smet & Jean-pierre Darroussin  Transfert amoureux au Montparnasse 

          

de  Simon Stephens 

mise en scène Louis-Do de Lencquesaing  

avec  Jean-Pierre Darroussin & Laura Smet   

   

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Théâtre Montparnasse

      

© Fabienne Rappeneau

       

Certes le hasard est à l'origine de la rencontre de ces deux entités "complexes" présentes simultanément dans cette gare ferroviaire londonienne mais qui, a priori, n'avaient pas de détermination spécifique ou objective pour susciter l'approche mutuelle ; toutefois le fait est là... que, déjà, ils se parlent ou plus exactement que spontanément elle, Georgie, cherche à en savoir davantage sur lui, Alex, qui l'écoute attentivement.

Comme si, d'emblée, avait été trouvé un terrain d'entente incertaine, la parole circule mais dans une asymétrie confondante où Georgie mène l'enquête d'apparence journalistique et Alex répond de façon lapidaire mais néanmoins intrigué.

Comme dans un jeu de rôles dont les modalités préexisteraient à leur insu, la voilà qui prend l'initiative d'une dualité s'esquissant dans un étrange ballet dialectique sans autre fondement que celui de se perpétuer par interrogations et répliques successives... entre vérités & mensonges jusqu'au point de rupture où, selon sans doute une fausse note de trop, Alex décidera de mettre un terme à cette valse à deux temps.

Cependant, auparavant il aura eu l'opportunité de révéler à cette "apparition troublante" que son métier de boucher était largement suffisant à lui occuper l'esprit et à nourrir sa motivation pour vivre au quotidien.

Et pourtant quelque temps plus tard, voilà Georgie qui débarque inopinément dans la boutique qu'elle aura réussi à localiser... et maintenant la voici à s'extasier sur la créativité induite pour réussir à mettre en valeur ce commerce passionnant... mais attention ici, point de place au cynisme ou à la fourberie, c'est effectivement sur le ton de l'enthousiasme et de la sincérité que Georgie exprime son intérêt à l'égard de tout ce qui lui paraît important pour Alex.

De fait, cette prise en considération d'abord unilatérale va indéniablement contaminer Alex qui, donc en retour, s'intéressera davantage à cette jeune femme si interventionniste en découvrant notamment qu'elle est en quête d'un fils adoré mais parti ailleurs sans laisser aucun lien de contact.

Pénétrant ainsi peu à peu dans l'intimité respective de l'autre, s'initiera une sorte de solidarité bienveillante dont le moteur en sur-régime sera conduit par Georgie mais dont le frein en position d'urgence restera l'apanage d'Alex.

Cependant dans ce conte à la modernité tout autant imaginaire qu'hyperréaliste signé Simon Stephens, les deux faces d'apparences opposées se rapprocheront sensiblement en estompant leurs différences au point de tenter d'échanger leurs spécificités aussi bien formelles qu'intrinsèques.

C'est ainsi que de super sexy Georgie (42 ans) deviendra peu à peu plus classieuse alors qu'Alex (74 ans) sans fantaisie ostentatoire ira jusqu'à arborer une paire de tennis et un blouson en jean.

Bref, leur cheminement réciproque l'un vers l'autre est à l'image d'une prise de conscience relationnelle sur le mode du parce que c'était elle & parce que c'était lui... en partance pour le transfert affectif voire à la recherche de l'amour perdu !

Que Jean-Pierre Darroussin soit raccord avec l'évolution de son personnage, nul n'en douterait vu la qualité de ce comédien fort expérimenté dans la composition psychologique de ses interprétations souvent à vif.

En outre, si celui-ci a de surcroît la responsabilité professionnelle de veiller aux premiers pas de sa partenaire sur les planches alors que le charisme de Laura Smet est déjà pleinement légitimé au cinéma, c'est en situation de mentor potentiel que la faculté est offerte à J-P d'observer que la comédienne s'est emparée de son rôle avec une détermination stupéfiante.

L'aplomb artistique transparaît dans toutes les qualités de jeu qu'elle peut proposer sur une palette allant de la décontraction juvénile à l'implication dans l'engagement existentiel.

Elle sait instinctivement être drôle, spontanée et pétillante à l'instar d'une Marlène Jobert jeune à qui elle pourrait faire penser ; d'ailleurs à défaut des tâches de rousseur, c'est l'adoption d'une chevelure de panthère qui lui octroie de s'apparenter à merveille au feeling sensitif de Tina Turner.

Bref, Laura a tout d'une grande et cela lui présage forcément plein d'autres fabuleuses aventures théâtrales.

En outre, avec cette relativité situationnelle, Louis-Do de Lencquesaing livre à cet étonnant duo un champ propice aux expérimentations potentielles que les deux interprètes peuvent subtilement infléchir selon les états d'âme de chacun et l'humeur des spectateurs présents.

Comme s'il s'agissait d'un happening "gagnant-gagnant" en quelque sorte !

Theothea le 30/10/22

       

                

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LORSQUE L'ENFANT PARAÎT

 "Lorsque l'enfant paraît" Catherine Frot & Michel Fau au pinacle de La Michodière

          

d' André Roussin  

mise en scène   Michel Fau

avec  Michel Fau, Catherine Frot, Agathe Bonitzer, Quentin Dolmaire, Hélène Babu, Sanda Codreanu et Maxime Lombard    

   

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Théâtre de La Michodière

      

© Marcel Hartmann

      

   

Jouer cette pièce d'André Roussin en cette période contemporaine alors qu'elle a été écrite en 1950 est une véritable aubaine.

Un mois et demi après sa première, la jauge du théâtre de la Michodière fait le plein en rassemblant tout ce que le public attend pour sortir de chez lui afin de se réjouir en nombre.

Comme aimantés par le bouche à oreille, les spectateurs savent instinctivement que le duo Frot-Fau va combler leur attente.

Et c'est donc sous leurs applaudissements que la grande Catherine apparaît !

Et là peut commencer la création de Michel qui, de toute évidence, aime tellement les personnages caricaturaux qu'il a le talent de les diriger avec tact et justesse comme si, précisément, ceux-ci étaient paradoxalement pétris de sobriété.

Il s'en empare tel un démiurge agitant à distance les stéréotypes comme des marionnettes complaisantes d'un jeu de société qui permet de pousser leurs cohérences jusqu'aux stades ultimes en déclenchant l'hilarité générale.

Mais Michel Fau n'a pas l'intention de se moquer; il respecte la sincérité de cette grande bourgeoisie convaincue dans son échelle des valeurs, de la vertu inhérente aux principes de la morale, même si en pratique, elle est tentée de ne pas en appliquer les contraintes.

En tout cas, l'ancienne génération en rappellera l'esprit sans cesse à sa progéniture qui, elle, aura tendance à chercher ouvertement des arrangements propices pour composer l'attitude favorable à son intérêt immédiat.

Jeux de rôles parfaitement huilés par l'auteur qui aura le talent de jongler avec de multiples rebondissements domestiques pour parfaire sa démonstration de déstabilisation collective suscitée par les signes avant-coureurs de l'enfantement imprévu, voire même de 4 coup sur coup.

De l'épouse à la gouvernante en passant par le fils et la fille de bonne famille, tous se sont donné le mot pour entraver la très honorable progression de carrière sénatoriale du pater familias.

Si le "Qu'en-dira-t-on" est en l'occurrence tellement important, c'est que ce haut représentant du peuple vient précisément de faire voter à la fois la pénalisation de l'avortement et la fermeture des maisons closes.

Cependant l'œil amusé de Michel Frau en dit long sur l'interprétation décalée qu'il souhaite projeter dans l'imaginaire du public.

Avec sa comparse Catherine Frot, ils composent un fabuleux tandem à deux têtes, l'une, la sienne, prête en permanence à trouver matière à se réjouir, l'autre toujours prédisposée au drame à venir; cette complémentarité ludique accompagne comme dans un leitmotiv magique les tribulations des mises enceintes successives annoncées à la manière de catastrophes naturelles pouvant modifier la rotation de la planète.

Par chance, il n'en sera rien et les naissances annoncées devraient reprendre leur statut d'heureux événements puisque à l'époque la planification contraceptive n'était effectivement pas encore d'actualité.

Dans un décor aux couleurs saturées pouvant suggérer la perspective hyperréaliste assumée par cette mise en scène ébouriffante, un rétrécissement opérationnel s'effectuera sur le plateau grâce aux rapprochements progressifs de panneaux mobiles à chaque baisser de rideau intermédiaire comme pour signifier la normalisation sociétale en voie d'être sauvegardée sans autre échappatoire viable.

C'est donc un véritable régal que d'assister dans un premier temps à la complexification sans cesse croissante du « savoir gérer » les moeurs en cours se raccrochant aux moindres tests de grossesse plus ou moins farfelus jusqu'à atteindre ce franchissement du cap d'inflexion s'autorisant enfin la perspective d'une réalité pragmatique à projeter...

La distribution est en pleine osmose avec cette perception plaisante et dynamique que Michel Fau distille en présentiel sur scène grâce à son expressivité fédératrice et confiante.

Ainsi cette réalisation artistique remarquablement agencée en équipe autour de la famille Fau-Frot est ovationnée avec grand enthousiasme par le public.

Theothea le 04/11/22

          

           

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Carmen Maria Vega - Fais-moi mal Boris ( à La Nouvelle Eve ) -     © Theothea.com

 

   

  

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