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Les    Chroniques   de

  

27ème  Saison     Chroniques   27.16   à   27.20    Page  479

     

     

       

                   

                 

  Sarah Abitbol - Supernova 2023 - Holiday on ice © Theothea.com

   

     

   

     

  Supernova - Holiday on ice 2023 © Theothea.com 

   

       

   

       

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Supernova - Holiday on ice 2023 © Theothea.com

     

           

     

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MADEMOISELLE CHANEL EN HIVER

« Mademoiselle Chanel en hiver » Caroline Silhol & le glamour au Théâtre de Passy

          

de  Thierry Lassalle   

mise en scène  Anne Bourgeois 

avec Caroline Silhol, Christophe Barbier, Emmanuel Lemire, Thomas Espinera, Bokai Xie & Lucie Romain

****

     

Théâtre de Passy

      

©  LOT

       

Le rideau s'ouvre sur une silhouette impériale, élégamment vêtue pantalons noirs, chemisier blanc, collier de perles iconique, tout le style Chanel est concentré sur ce profil se détachant sur une tapisserie ''art déco'' aux arabesques orangées et or. La blonde Caroline Silhol portant perruque brune, très glamour, le regard suspendu sur les volutes d'une cigarette est à s'y méprendre, devant nos yeux ébahis, Mademoiselle Chanel en chair et en os.

Sa pensive impassibilité sera soudainement interrompue par l'arrivée impromptue du diplomate et écrivain Paul Morand qui, pour l'heure, vient lui apprendre que leur ami commun, le poète Jean Cocteau, a été arrêté et doit comparaître devant le Comité d'Epuration.

Paul Morand rend visite régulièrement à la grande dame de la mode dans le salon cossu d'un très chic hôtel à Saint-Moritz en Suisse. Nous sommes en 1946 et tous deux sont exilés sur les bords du lac Léman. Il est reproché à Paul Morand, foncièrement antisémite, d’avoir été, durant la guerre, pétainiste et collaborationniste ainsi qu’à Gabrielle Chanel d’avoir entretenu une liaison avec Hans-Gunther von Dincklage, officier allemand recherché comme criminel de guerre, ce qui aurait menacé de lui attirer de graves ennuis si elle était restée dans sa boutique de la rue Cambon à Paris.

Deux tempéraments qui se ressemblent, deux contemporains poussés à l’écart d’un monde se retrouvent donc régulièrement devant une tasse de thé servi par un délicat et affable maître d'hôtel (Thomas Espinera) qui veille à ce que rien ne manque à Coco Chanel. Cette dernière s'ennuyant mortellement dans ce huis clos commence à dicter ses mémoires que Paul Morand recueille soigneusement dans un carnet au fil des séances.

Il la questionne et Coco Chanel raconte tel un kaléidoscope son enfance, sa liaison avec Boy Capel, un homme providentiel qui a financé son installation à la ''capitale'', ses relations avec Misia Sert surnommée ''la reine de Paris'', ses amitiés prestigieuses avec des artistes comme Picasso mais aussi sa solitude, voire sa marginalisation, ce qui a fait son originalité, son aspect révolutionnaire dans la couture. « C'est la solitude qui m'a trempé le caractère que j'ai mauvais, bronzé l'âme que j'ai fière et le corps que j'ai solide ». Personnalité difficile, irascible, tyrannique, fermée et orgueilleuse, elle donne ses avis parfois à l'emporte-pièce sur son métier, sur ses goûts. « Sous la méchanceté, il y a la force, sous l’orgueil, il y a le goût de la réussite et la passion de la grandeur ».

Les dialogues sont très rythmés, parfois d’une ironie dévastatrice mais aussi empreints d’émotion et de poésie. Ils reflètent l’état d’esprit tempétueux de la styliste en arrêt de travail forcé dans cet écrin hôtelier. Désinvolte en apparence, elle bouillonne littéralement de l’intérieur.

A 63 ans, désœuvrée pour la première fois, rongeant son mors, elle ne digère pas d'être recluse, sans moyen de créer ses modèles, elle qui se moque ouvertement des fanfreluches et des robes excentriques aux motifs fleurs que portent les femmes, on dirait qu'elles sont habillées avec des rideaux persifle-t-elle. Au cours de ses confidences, elle se montre d’une sévérité, d’un pessimisme absolu sur les qualités des femmes, elle déclare qu'elle veut voir toutes ces dames en noir, sans doute marquée par les deuils, les souffrances, les privations qu’elle a constatés pendant la guerre.

En contrepoint, tout au long de la pièce, avec un même charme aguicheur, Caroline Silhol offrira tout un défilé de tenues chics et sobres qui ont fait la renommée de la célèbre styliste, toujours dans ses couleurs de prédilection, le noir et le blanc (costumes Jean-Daniel Vuillermoz).

Face au ton caustique et acéré de Mademoiselle, Paul Morand a la répartie très aiguisée. Christophe Barbier le joue avec beaucoup d’humour et de naturel, mélange d'intelligence et de bassesse. Leur véritable complicité vieille de 25 ans permet à Morand de répliquer avec aplomb à Chanel et lui dire ses quatre vérités quand il trouve qu'elle exagère.

Ces échanges parfois féroces, drôles, cruels, sans concession sur la haute société cosmopolite qu'ils fréquentent s’interrompent brutalement quand apparaît de manière inopinée le baron allemand Von Dincklage dont Mademoiselle était tombée amoureuse pendant l'Occupation. Fin du premier acte.

Gabrielle semble à nouveau être attirée par cet homme dont elle voulait chasser le souvenir encombrant. Un système de décor amovible permet de glisser au second acte en basculant d'un salon somptueux à une chambre à coucher toute teintée de bleu à Lausanne où elle est allée retrouver cet ancien amant interprété par Emmanuel Lemire qui, très à l’aise en adoptant un curieux accent pour endosser le rôle d'un nazi, cherche subtilement à montrer les failles de son personnage follement épris. Ce deuxième acte s'achèvera par une tentative de suicide du baron après des propos au vitriol lancés par l'indomptable Coco. Après ce dramatique intermède, ils ne se reverront plus et Von Dincklage se réfugiera à Majorque.

Dans un décor très chic et intimiste mis en scène avec une extrême finesse par Anne Bourgeois, Caroline Silhol incarne la grande prêtresse de la mode avec beaucoup de panache et de désinvolture. Toute la joute verbale déclamée avec ses deux partenaires est brillamment écrite par Thierry Lassalle. Le texte est inspiré des conversations restituées dans "L'allure de Chanel" que Paul Morand, accédant bientôt à son insatiable ambition d’être élu à L’Académie Française, aura rédigé traçant ainsi le portrait d’une femme d’origine modeste qui sut imposer au milieu mondain de Paris et du monde entier sa vision révolutionnaire du vêtement féminin aux lignes épurées. Une distinction naturelle, une signature inimitable… La classe incarnée sur la scène de l’adorable Théâtre de Passy.

Cat’S / Theothea le 30/01/23

             

         

© Theothea.com

     

BERENICE

« Bérénice » Carole Bouquet La Reine convoitée de La Scala

               

de  Racine  

mise en scène   Muriel  Mayette-Holtz  

avec  Carole Bouquet, Frédérique de Goldfiem, Jacky Ido, Augustin Bouchacourt & Eve Perreur   

****

     

Théâtre de La Scala

      

© Sophie Boulet

   

De Titus à Antiochus, La Reine de Judée embrasant, de par son charisme séducteur, les deux prétendants pouvant paraître a priori exclusifs l’un de l’autre, règne de facto sur ces deux amoureux irrémédiablement transis jusqu’au point paradoxal où ils pourraient dénier leurs assujettissements respectifs en paraissant s’en détacher virtuellement au nom des grands principes que la considération de soi porterait très haut sur l’échelle de l'honneur.

L’un sous influence dictée par la raison d’état, l’autre mené par une susceptibilité orgueilleuse hors du commun seraient en mesure de laisser la place libre à leur rivalité réciproque en tirant un trait définitif sur leur idéal féminin conjoint de façon à pouvoir conjurer la hantise de ne pas être à la hauteur de leurs sentiments proclamés.

A ceci près que durant les cinq actes de la pièce de Racine dont les alexandrins chantent les louanges du dépassement de soi au profit d’un amour éternel incommensurable dusse-t-il se retrancher dans l’ombre de l’Aimée jusqu’à disparaître de son paysage affectif, les deux conquérants n’en finissent pas de ressasser l’inanité de cette situation conjoncturelle défavorable qui les empêcherait chacun d’accéder librement au pinacle de leur aspiration amoureuse.

L’un est empereur de Rome, l’autre Roi de Commagène, le premier n’a pas conscience d’être jalousé par le second qui, lui, ne supporterait pas l’idée d’être relégué au rang d’outsider par Bérénice qui, elle-même, ne jure que par sa dévotion au souverain romain pleinement envoûté par l’adoration absolue qu’il lui porte en retour.

Mais voilà, en parallèle, il y a Rome et le peuple complètement en phase avec Titus qui, redoutant son propre bannissement politique, s’interdirait de la prendre pour épouse de façon à ne pas devoir imposer à ses concitoyens la Reine de Judée promue impératrice contre leur gré.

De son côté, même dans cette perspective qui lui serait profitable, Antiochus ne pourrait se résoudre à tirer parti opportunément de la situation d’abandon en rase campagne effectuée par son concurrent car, fatalement, il se reprocherait de n’avoir constitué pour la souveraine qu’un plan B de mauvaise fortune.

Bref, en se neutralisant respectivement et en assumant ni l’un ni l’autre les conséquences de leur fascination sans limites, les deux monarques finiront par provoquer tour à tour le courroux de la Reine de Judée prenant dignement la décision définitive de quitter ce royaume des soupirants tétanisés par leur propre passion.

Selon la mise en scène de Muriel Mayette-Holtz extrêmement sobre et feutrée, la tragédie racinienne prend à La Scala une tournure intimiste où Carole Bouquet brûlant d’un feu totalement intérieur développe son regard distancié sur le comportement de ces deux galants tout en prenant d’évidence la mesure délicieuse de ce temps d’échange en alexandrins avec une immense délectation.

C’est d’ailleurs en pleine sérénité que les cinq comédiens viennent recueillir les applaudissements des spectateurs enchantés par cette ambitieuse et tellement dévorante ode à l’Amour… pouvant être fantasmée tel un miroir métaphorique cinématographique… à l’image de « Jules et Jim » dépeints par François Truffaut.

Theothea le 01/02/23

       

   

© Theothea.com

     

ALBERT & CHARLIE

"Albert & Charlie" Einstein & Chaplin selon Affinités électives au Théâtre Montparnasse

           

de  Olivier Dutaillis  

mise en scène  Christophe Lidon 

avec  Daniel Russo, Jean-Pierre Lorit & Elisa Benizio 

****

     

Théâtre Montparnasse

      

© Fabienne Rappeneau

                   

Quand le rideau se lève, toute la scène est occupée par le décor stupéfiant d'un appartement ceint d'un immense tableau noir rempli à la craie de formules mathématiques dont l'équation E= mc² ainsi que de figures géométriques, telle une ellipse révélant l'antre d'un savant.

Une fenêtre haute laisse entrevoir un ciel fait d'étoiles et une très grosse planète plane au-dessus du plateau comme la projection mentale du maître du lieu. Ce décor symbolique est l'œuvre de Catherine Bluwal.

C'est dans l'intimité de cette pièce meublée côté jardin d'un opulent bureau, côté cours d'un piano sur lequel sont posées une partition de Schubert et une mappemonde, que vont se confronter deux hommes de renommée internationale que tout pourrait opposer en apparence :

D'un côté, Albert Einstein, hirsute, vêtu d'une veste informe, assis derrière son bureau, maugréant sur l'état du monde, lisant les journaux, les balançant rageusement au sol, de l'autre Charlie Chaplin de 10 ans son cadet, cinéaste fringant, alerte, venu lui rendre une première visite à l'Université de Princeton. Nous sommes en 1938, les nouvelles du monde ne sont guère réjouissantes…

Tous deux sont exilés aux USA. Einstein est resté en Allemagne jusqu'en 1933, date à laquelle Adolf Hitler a pris le pouvoir. Le physicien a alors renoncé à sa citoyenneté allemande et s'est installé aux États-Unis pour devenir professeur de physique théorique. Il deviendra citoyen américain en 1940. Point commun avec Chaplin qui vit à Beverly Hills, ce sont deux pacifistes.

Ce dernier avait invité précédemment le physicien et sa femme à découvrir en avant-première ''Les Lumières de la ville'' à Los Angeles. Une photographie en noir et blanc projetée montre les deux grands hommes côte à côte en nœud papillon.

Le prestigieux réalisateur vient retrouver Albert pour lui faire part de son projet cinématographique, réaliser son 1er film parlant en interprétant par le burlesque un personnage inspiré du Führer, se mesurer à Hitler avec les armes du cinéma en le tournant en dérision, traiter la tyrannie par le biais de la satire et de la parodie.

Pour Albert, c'est absolument inconcevable de faire rire sur un tel sujet et brocarder ainsi par le comique la barbarie menaçante.

Albert ne croyait pas à la force du cinéma comme arme de guerre pour dénoncer la brutalité d'un régime totalitaire. Pourtant, Charlie allait s'engager personnellement et combattre à sa manière en faveur de l'idéal démocratique et de la paix avec son film prémonitoire et génialement satirique ''le Dictateur'' qui sortira sur les écrans en 1940.

Daniel Russo, tignasse blanche en bataille, est la parfaite illustration du scientifique un peu fou, bougon, lunatique; Jean-Pierre Lorit, lui, s’est glissé dans la peau du cinéaste avec une grande finesse et beaucoup d'élégance.

Lors de cette première rencontre, celui-ci caresse symboliquement la mappemonde qui nous renvoie immédiatement, en miroir, la scène d’anthologie d’un ballon d'hélium figurant le globe terrestre tournoyant entre les mains du dictateur hystérique sur une musique de Wagner jusqu'à son explosion !

Outre leurs désaccords traités avec une bienveillance mutuelle, on assiste à un face-à-face émaillé de saillies percutantes :

« Ceux qui aiment marcher en rangs sur une musique : ce ne peut être que par erreur qu’ils ont reçu un cerveau, une moelle épinière leur suffirait amplement »

« Hitler et Charlot ont la même moustache. Je pense qu'Hitler me l'a volée pour s'approprier la popularité de Charlot...Voilà au moins un putsch qui a échoué! »

« Le nationalisme est une maladie infantile. C'est la rougeole de l'humanité ».

Entre les deux hommes, l'un nerveux et impulsif, l'autre flegmatique et charmeur, s'interpose régulièrement Hélène, la gouvernante, pour donner son avis ou pour calmer le jeu.

Celle-ci a un rapport presque filial avec Albert qu'elle surprotège, elle lui est entièrement dévouée. Tel un chef d'orchestre, elle dirige les choses, prête à interrompre la discussion si celle-ci échauffe trop le Maître.

Avec un accent allemand plutôt cocasse, Elisa Benizio offre une prestance bluffante en modelant un personnage haut en couleurs, impressionné et émoustillé par Charlie qui lui jouera une petite scène de pantomime la faisant rire aux éclats.

Actrice instinctive, Elisa n’est pas sur scène sans fort ressembler, par intermittences, à sa mère l'artiste et humoriste Shirley alias Corinne Benizio (duo Shirley et Dino).

Après cette première entrevue immergée dans la montée angoissante du nazisme, deux autres visites auront lieu, en 1947 lors de l’après-Seconde Guerre mondiale et en 1952 sur fond de maccarthysme.

En 1947, ce sera au tour de Chaplin de marquer sa surprise, ne comprenant pas qu'Albert Einstein ait pu écrire une lettre au président Franklin D. Roosevelt afin de l'avertir que l'uranium pourrait être utilisé pour une bombe atomique et contrer ainsi les avancées de l'Allemagne nazie. Mais conscient du danger, il demandera, en vain par la suite, au président américain de renoncer à l'arme atomique, alors que ce projet en élaboration aboutira, hélas, à l'utilisation de la bombe sur Hiroshima et Nagasaki. Le savant ne cessera de regretter son initiative malheureuse.

Quant à Chaplin ses films sont boycottés, il est la cible d'attaques répétées, une campagne de presse s'acharne contre lui et il doit affronter une virulente « chasse aux sorcières » anticommuniste.

En 1952, il décide de fuir les Etats-Unis avec sa dernière épouse et ses enfants. Il rend visite pour la dernière fois à Albert. Pourraient-ils encore se revoir ? Albert a 73 ans. Il décèdera en 1955. Charlie, lui, part dans un premier temps à Londres puis établira sa résidence permanente en Suisse pour y couler une retraite paisible.

Ces entretiens aux envolées lyriques proposés par Olivier Dutaillis permettent également d’opposer deux approches différentes du rapport à la vie.

L’un représente la science et le second la création artistique. Ainsi Einstein dit à Chaplin : « Ce que j’admire le plus dans votre art, c’est son universalité. Vous ne dites pas un mot, et pourtant, le monde entier vous comprend ». A quoi le second rétorque « C’est vrai, mais votre gloire est plus grande encore : le monde entier vous admire, alors que personne ne vous comprend? ».

Christophe Lidon assure une mise en scène rythmée, dynamique, les échanges fusent sans aucune monotonie, entrecoupés par les interventions intempestives et pittoresques de la pétulante gouvernante à l'affût du moindre mot qui pourrait ''énerver le professeur''.

Devant la gravité des évènements évoqués, l'humour instillé par la direction d’acteurs constitue, de fait, l’instrument pertinent, par excellence, pour cette création théâtrale !

Cat’s / Theothea.com le 24/02/23

             

       

© Theothea.com

     

EN ATTENDANT GODOT

"En attendant Godot" André Marcon & Gilles Privat Le duo de Françon qui signe L'excellence.

      

de  Samuel Beckett  

mise en scène  Alain Françon 

avec  Gilles Privat, André Marcon, Philippe Duquesne, Eric Berger & Antoine Heuillet

   

****

     

Théâtre La Scala

      

© Thomas O'Brien

                   

En proposant à La Scala la pièce de Beckett, Alain Françon donne un accès direct et factuel à ce texte de 1948 où les échanges verbaux se lisent aisément au premier degré ou plus exactement à travers le prisme de la candeur.

Si donc Estragon et Vladimir attendent Godot, il n'y a aucune raison de remettre en question leur décision commune... même si en prenant, eux-mêmes, le risque de se lasser, il pourrait leur venir l'envie de s'éloigner le plus possible de ce lieu, peu hospitalier, calculé a minima dans les didascalies :

Un rocher à jardin ainsi qu’un arbre sec à cour et voici donc le décor désormais planté jusqu'à la fin des temps.

Bien qu'il ne s'agisse point à proprement parler de métaphysique appliquée, André Marcon et Gilles Privat sont au taquet pour effectuer cette partie de dualité tennistique où ils semblent se renvoyer la balle avec une assiduité constante dans le rôle spécifique qui leur est à chacun dévolu :

C’est-à-dire en dépressif fataliste pour Estragon et en optimiste opiniâtre pour Vladimir, leurs échanges verbaux pourraient ainsi durer ad vitam aeternam puisqu'ils apparaissent programmés pour assurer leurs fonctions dans une récurrence infinie.

Qu'ils soient, par deux fois, interrompus par Pozzo et Lucky dans leur débat méta-réaliste, importe peu en définitive puisque, de fait, ils sont branchés sur pilote automatique.

Que le « jeune garçon » (Antoine Heuillet) vienne leur répéter le même message d’importance, également à deux reprises, cela ne changera guère davantage l'ordonnancement de leur emploi du temps.

D'accord, ils ont compris que Godot ne viendra pas aujourd'hui mais ils peuvent prendre leurs dispositions pour l'attendre demain. Ce ne sera donc que partie remise.

Sans doute, seront-ils plus ou moins impactés par la relation d'aliénation extrême exposée par le maître Pozzo et l'esclave Lucky, mais passé l’effet - dialectique hégélien - de surprise, et puisqu’au demeurant, les humains s'habituent à tout, ce tableau consternant sera plutôt perçu par eux sous forme d’originalité burlesque plutôt que comme injustice insupportable.

Bref au royaume de Didi et Gogo, tout s'enchaîne à merveille jusqu'aux motifs de l'ennui sans cesse renouvelés rien que pour pouvoir faire diversion.

Comme toujours concernant cette pièce, il faut de grandes pointures pour assurer la crédibilité de ces personnages sortis tout droit du réalisme le plus tangible.

André Marcon & Gilles Privat assurent avec une complicité haut de gamme ce dialogue cadencé par Alain Françon à la manière d’un métronome qui, à certains moments, s'emballerait juste pour le plaisir de mettre du piment dans cette vie essentiellement réitérative.

C'est dans ce dessein que Pozzo, Philippe Duquesne et Lucky, Eric Berger vont également collaborer en tant qu’êtres télécommandés par leurs instincts de survie, l'un par abus de pouvoir et l'autre par excès de soumission mais tous les deux super focalisés dans la perfection du geste à réaliser. Cette mise en scène sur fond d'écran où lune et nuit noire se relaient parmi les nuages comme pour en signifier l'hyperréalisme, garantit au mieux, à l’égard du spectateur, la lecture de Samuel Beckett au plus proche des intentions de l'auteur... qui lui, sans vergogne, ne craint pas de laisser, au final, ses personnages dans le même état qu'il les avait accueillis au départ non sans affirmer, par ailleurs, qu'il est définitivement quitte avec eux.

Voici donc, de fait, un grand moment de Théâtre à part entière qu'Alain Françon aura su, de surcroît, orchestrer avec belle distance humoristique.

Theothea, le 11/02/23           

       

       

© Theothea.com

     

DEVASTE-MOI

          

dramaturgie  Alexandra Lazarescou

chorégraohie  Yan Raballand 

mise en scène   Johanny  Bert 

avec  Emmanuelle Laborit

The Delano Orchestra :  Guillaume Bongiraud, Dima Tsypkin, Yann Clavaizolle, Matthieu Lopez, Julien Quinet et Alexandre Rochon

   

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International Visual  Théâtre

      

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Supernova - Holiday on ice 2023 © Theothea.com    

     

   

          

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