Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques   de

  

27ème  Saison     Chroniques   27.21   à   27.25    Page  480

     

     

       

                   

                 

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UN PRESIDENT NE DEVRAIT PAS DIRE ÇÀ...

« Un Président ne devrait pas dire çà » face à Thibault de Montalembert au Théâtre Libre

              

D'après Gérard Davet & Fabrice Lhomme

Dialogues de François Perache

mise en scène  Charles Templon

avec  Thibault de Montalembert, Hélène Babu, Scali Delpeyrat & Lison Daniel    

   

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Théâtre Libre

      

©  Agence Abaca

                                      

   

Lorsqu’en avril 2022, le producteur Jean-Marc Dumontet propose une première présentation théâtrale à Bobino de cette adaptation, c’était précisément pour évaluer l’intérêt du public face à un spectacle fictionnel tiré du livre d’investigation de Gérard Dravet et Fabrice Lhomme.

Il faut croire que l’essai fut considéré comme positif car désormais en 2023, il s’agit d’une véritable création au Théâtre libre avec l’équipe artistique originelle et, donc, les mêmes comédiens qui se glissent dans le rapport de forces reliant journalisme et politique pour en composer une leçon comportementale à fustiger ou au contraire à mettre en valeur exemplaire selon la subjectivité des opinions mises en cause.

Rappelons donc que dès le début de son quinquennat, François Hollande avait exprimé le souhait de se confier régulièrement à une instance journalistique choisie à dessein, de façon à faire un point évolutif sur sa gestion présidentielle au jour le jour sous réserve que les verbatim qui seraient tirés de ces interviews ne puissent être divulgués qu’en fin de mandat avec son accord dûment stipulé.

Ces rencontres hebdomadaires eurent effectivement lieu sous la conduite duelle des journalistes Dravet et Lhomme, le plus souvent à l’Elysée mais aussi en domicile privé et permirent de constituer ce document d’enquête inédit qui mit le feu aux poudres en fin du quinquennat de François Hollande.

Le reproche global formulé était que la fonction républicaine présidentielle est liée à un devoir de réserve implicite devant empêcher la divulgation des secrets de cette charge en dehors de tout filtre institutionnel.

En parallèle, l’éthique du journalisme citoyen ne devait pas, non plus, pouvoir se prêter à une manigance risquant de déconstruire l’autorité de l’Etat républicain.

Bref, la lecture de ce livre médiatique paru en octobre 2016 pouvait sans doute, à juste titre, se cristalliser sur des interprétations spéculatives autorisant débats moraux et juridiques sans fin.

A contrario, il faut reconnaître que la création théâtrale qui, ici, nous occupe ne pourrait souffrir de ces mêmes griefs car, effectuant un pas de côté, la dramaturgie y est axée sur l’art et la manière que les journalistes ont de s’approcher du sommet de l’Etat républicain en incitant son « représentant » principal à se justifier alors qu’en contrepartie celui-ci pourrait escompter le bénéfice d’une reconnaissance publique selon son habileté à pratiquer l’équivoque.

Autrement dit et de manière très prosaïque: Entre la Presse et le Politique, où pourrait-on situer la véritable manipulation et pour quel gain en retour sur investissement de temps et de savoir-faire ?

Ce n’est donc pas tant le contenu des propos qui est exposé sur scène que la relation étrange qui s’instaure entre l’homme d’état qui recherche la légitimation de son action et des enquêteurs médiatiques qui s’emploient à débusquer les failles de sa cuirasse.

L’intérêt du spectateur est donc de percevoir les tentatives de séductions respectives progressant masquées, de part et d’autre sous opération de commando, avec leur cortège réciproque de frustration partagée par les deux journalistes en embuscade et vécue en solitaire par le Président craignant, lui, en permanence d’être incompris… comme dans un dialogue de sourds en quelque sorte ou un jeu de cache-cache à l’aveugle !

Au demeurant, la scénographie est particulièrement intéressante car elle s’appuie sur diverses technologies virtuelles et, par ailleurs, l’interprétation du journaliste en mission (Thibault de Montalembert) se présente comme un combat à mener, tiraillé entre son impétueuse collaboratrice (Lison Daniel) elle-même téléguidée en véritable sous-marin par la directrice rédactionnelle (Hélène Babu) le nez en permanence sur les tirages escomptés et, d’autre part, celle du Président pratiquant la fuite en avant et en trompe-l’œil où Scali Delpeyrat fait merveille à singer toutes les malignités tellement expressives et spécifiques à François Hollande.

Un spectacle théâtral qui fait de la détention du pouvoir un enjeu fort républicain et qui, restant bien en deçà de toutes les arcanes de l’histoire politique, focalise la presse médiatique au beau milieu de l’arène.

Theothea le 20/02/23

   

                

          

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UNE ETOILE

« Une Etoile » Macha Méril sous filiation stellaire honorant son Karma

          

d'Isabelle Le Nouvel

mise en scène  Stefan Druet Toukaieff 

avec Macha Méril, Marc Citti, Laurent d'Olce & Claire Magnin  

   

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Théâtre  Montparnasse

      

©  Fabienne RAPPENEAU

                                        

En rencontrant un véritable exutoire scénique à ses propres frustrations filiales, la comédienne Macha Méril, ayant vécu mille vies jusqu’à ce jour alors qu’elle est extrêmement fière d’afficher 82 ans au compteur de son enthousiasme créatif intact, compose avec gourmandise la perception imaginaire de Léna ex-danseuse classique au cœur de son isolement domestique quotidien.

Celle-ci a beau jeu de se remémorer en temps réel les envolées fantasmatiques (via Aurélie Loussouarn) qui auraient pu lui faire côtoyer le septième ciel si, toutefois, son artiste de mari avait été moins accaparé par sa carrière et son libertinage affiché ouvertement.

Voilà que parvenue, désormais veuve, à un âge respectable, il lui faut maintenant compenser sa peine intériorisée et accumulée avec les ressources toujours vivaces de son ambition persistante qui auraient dû faire d’elle, au sein d’un autre vécu, la plus épanouie des ballerines ayant réussi à la fois sa vie d’épouse, de mère et d’étoile assumée pleinement.

Mais voici donc Paul (Marc Citti) qui débarque inopinément un beau matin, ce fils prodigue tenant en ses mains les clefs du bonheur de sa mère qui elle, en retour, investit sans vergogne tous ses affects intimes dans cet unique trésor de sa vie de femme.

Toutefois en attendant trop de ce rejeton adoré, il serait possible que Léna se perde complètement en dispersant ainsi le vivier de ses illusions perdues… dans un vide affectif palpable.

Être ou ne pas être « Paul », telle est la question que pose au spectateur Isabelle Le Nouvel qui, se gardant bien de trancher dans une réalité ambivalente mâtinée de fulgurances surprenantes, fait appel à deux outsiders;

D’une part, une voisine sur le qui-vive particulièrement envahissante et à contretemps presque systématique et, d’autre part, un journaliste professionnel pour qui c’est le métier d’aller débusquer la vérité au cœur d’une enquête que, précisément, il a décidé de mener en souhaitant faire le portrait biographique de cette grande artiste mémorielle et patrimoniale.

Au demeurant, le journaliste (Laurent d’Olce) et la voisine (Claire Magnin) seront rejetés dos à dos par la destinée théâtrale suggérée par l’autrice, emportant avec eux le secret bien gardé de Léna que le spectateur avisé pourra de lui-même transcender selon son loisir onirique.

La mise en scène très réaliste de Stefan Druet Toukaieff propose cette vertu paradoxale de faire contraste avec les faces cachées des personnages qui, par effet inverse, rendent ainsi leurs relations entrecroisées étranges, décalées et même mystérieuses.

Dans cette perspective, Macha Méril mue par son énergie et sa détermination hors pair pourrait nous apparaître comme en dissonance inattendue car emportée par un souffle mélancolique et nostalgique dont l’influence des forces occultes aurait inspiré une direction d’acteurs en distance aveugle au cœur du vaste décor rustique assez inquiétant.

Et cependant en épilogue la comédienne, selon son naturel inné, va sortir du jeu dramaturgique sous rédemption joviale.

Theothea le 26/02/23      

 

         

©  Fabienne RAPPENEAU

     

LES VIVANTS ET LES MORTS

          

de &  mise en scène  Gérard Mordillat

paroles  François Morel

avec   ESTHER BASTENDORFF, ODILE CONSEIL, CAMILLE DEMOURES LUCILE MENNELET, HUGUES TABAR-NOUVAL, PATRICE VALOTA GÜNTHER VANSEVEREN, BENJAMIN WANGERMÉE - CHOEUR KB HARMONY

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Théâtre du Rond-Point

      

© Giovanni Cittadini Cesi

   

Sur la scène de la petite salle Jean Tardieu du Rond-Point entre avec détermination une troupe de huit comédiens, tenue sombre, brandissant de noirs parapluies ouverts tels des corbeaux aux ailes jais planant sur leurs têtes dont le cri lugubre est annonciateur d'inquiétantes nouvelles. Et effectivement les mauvais augures se produisent. Ça commence par une inondation. A Raussel, dans l’est de la France, la Doucile déborde après des jours de pluie ininterrompue et ses eaux envahissent Plastikos – la Kos – seule usine et donc principal employeur de la ville.

Sur le plateau nu, on ne dansera pas joyeusement sous la pluie comme dans '' Singin' in the rain'', la comédie enchanteresse de Gene Kelly et Stanley Donen. On n'est pas non plus dans l'univers acidulé de Cherbourg avec ses parapluies colorés. Non, ici, c'est la grisaille et la menace permanente de perdre son emploi dans une ville frappée par la dure réalité. Les voix qui s'élèvent entonnent un texte âpre. A coups d'anaphores martelant les esprits, le spectateur affronte d'emblée une ambiance angoissante « l'eau tombe, tombe, tombe... Partout de l'eau, Partout de la pluie, Partout du vent...».

Les intervenants exposent leur situation à la Kos, si l'usine ferme, c'est la vie d'un jeune couple qui vole en éclats. C'est là que l’on découvre Rudi et ceux qui travaillent avec lui dans l’équipe de maintenance, mobilisés pour tenter de sauver les machines. Et sa courageuse épouse qui a un drôle de prénom, Dallas, qui s'engagera de plus en plus pour sauvegarder son emploi. Leur situation familiale intime avec un enfant est intrinsèquement liée à la conjoncture sociale entourant tous les ouvriers de la Kos.

Ainsi, la pièce jongle en permanence entre les déboires du couple formé par Rudi et Dallas (Günther Vanseveren, belle présence scénique et la rayonnante Lucile Mennelet, belle voix alto) dont la solidité est mise à mal et l'entité d'un groupe en conflit avec la direction qui ne pense qu'à satisfaire les actionnaires. On passe sans cesse du duo à l' ensemble des travailleurs refusant l’inéluctable et qui se mettront en grève devant les licenciements qui commencent. Bras de force qui se terminera par un bras d’honneur explosif.

Il y a ''Les Vivants et les Morts'', ceux qui ne renoncent pas, résistent et ceux qui abandonnent, rendent les armes vaincus par ce libéralisme outrancier.

Gérard Mordillat, auteur et cinéaste, avait écrit cette chronique ouvrière en 2005 dans un roman-fleuve. Aujourd'hui, il a choisi d'en tirer la substantifique moelle en la transposant sous la forme d' une pièce de théâtre musical sans décor, en choisissant l'épure absolue. Les chansons écrites par François Morel permettent d'exprimer les émotions à vif de ces femmes et de ces hommes en lutte contre un système qui les broie sans remord.

Les musiques sont signées Hugues Tabar-Nouval, lequel avec ses saxos - flûtes - percussions est l'un des 2 musiciens installés à jardin du plateau. Au piano se relaient Camille Demoures et Esther Bastendorff. Tous les trois sont également protagonistes de l’action dans les rôles de Serge, Varda et Mickie. Un chœur assis en fond de scène, masse silencieuse la majorité du temps, intervient par intermittence pour amplifier la protestation qui prend alors des allures d’Internationale.

Les paroles des chansons donnent une vraie épaisseur aux personnages. Les textes ciselés prodiguent une vibration en parfaite adéquation avec l’esprit militant des personnages, comme l'émouvant plaidoyer pour les mains du travailleur chanté par Lorquin (Patrice Valota) le contremaître le plus ancien, attaché à son outil de travail et qui répète avec insistance pour convaincre l'auditoire : « Regarde ces mains Elles sont à moi / Regarde ces mains Elles ont trimé ....Regarde ces mains pleines de blessures / Regarde ces mains pleines de crevasses ...» avant de se pendre, vaincu par la machine infernale.

Ou la chanson clamée par Rudi, l'incorruptible qui refuse la promotion et martèle puissamment : « Je ne suis pas un jaune.../ je ne suis pas un jaune......» comme pour imprimer dans la tête du spectateur qu'il ne trahira jamais la cause ouvrière « ils ne m'auront pas Plutôt crever ! ».

Au coeur de la fracture, on chante, on déclame sans esbrouffe ni pathos l’amour et les lendemains qui déchantent, le fléau du chômage, la révolte, la lutte des classes. Et comme c’est aussi une tragédie, la chorale est là comme un chœur antique, le choeur KB Harmony, d'une douzaine de membres, petit bémol, restant beaucoup trop dans l'ombre ! Un souffle vital, une énergie salutaire traversent ce théâtre engagé et populaire qui convoque la poésie dans le drame qui se joue.

Cat’s / Theothea.com le 28/02/23

      

                        

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LES PARENTS TERRIBLES

« Les Parents terribles » & Jean Cocteau "Incroyable" Avant-garde au Théâtre Hébertot

             

de Jean Cocteau

mise en scène  Christophe Perton

avec   Muriel Mayette-Holtz, Charles Berling, Maria de Medeiros, Émile Berling & Lola Créton

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Théâtre  Hébertot

      

© Dominique HOUCMANT-GOLDO

   

« INCROYABLE ! » Tel est effectivement le mot-clef leitmotiv du Vaudeville existentiel que Jean Cocteau a rédigé de manière compulsive en moins d’un mois durant l’année 1938 dont Christophe Perton a retrouvé récemment, quasiment par hasard, en salle de vente Drouot la version originale, brut de décoffrage.

C’est celle-ci que le metteur en scène a donc décidé d’adapter pour en faire ressortir une comédie de mœurs fort significative de l’âme humaine alors que celle-ci tend à défendre sans vergogne ses intérêts claniques primaires.

En réunissant autour d’un immense lit familial, Yvonne, Georges, Michel, Leo et Madeleine, c’est à la fois le Théâtre de Boulevard sous la férule de Feydeau qui est convoqué dans sa forme la plus diablement entrecroisée mais c’est surtout l’Amour sous ses variantes composites les plus pathologiques voire dénaturées.

Ces deux instances sociétales viennent donc s’entrechoquer sous l’apanage de relations toxiques induisant l’autodestruction de « La Roulotte » qui, autrement nommée, pourrait volontiers s’appeler la sacro-sainte « cellule familiale ».

Chacun y adoptant, selon un degré plus ou moins intense, le point de vue subjectif le situant juste au cœur des travers que lui font subir ses proches, c’est la victimisation qui devient l’emblème d’un art de vivre que la grande bourgeoisie ne pourrait renier à ses heures les plus conquérantes de l’entre-soi.

C’est alors que l’inceste, l’adultère, le mensonge institutionnel, la mauvaise foi peuvent prendre les commandes d’une gouvernance de classe renvoyant les parasites extérieurs vers l’infamie dont ils portent en eux-mêmes les stigmates au fer rouge.

Le décor est ainsi planté à la fois par Cocteau qui fait preuve de vulnérabilités dûment discernées dans l’opinion de ses contemporains mais aussi désormais par Christophe Perton qui, lui, n’a pas l’intention de laisser échapper sa place créatrice pour oser une version des « Parents terribles » à la fois noire, drôle, quasi rock and roll mais surtout distanciée du rôle que chacun est censé assumer au sein de sa propre généalogie dès lors qu’il est confronté aux pressions de l’éthique universelle.

Voici donc que s’affiche une distribution éclatante à la face de toute conscience plus ou moins chloroformée par l’air du temps devenu si « correct » et c’est ainsi que, prenant la tête d’une rébellion instinctive, Muriel Mayette, ex-administratrice remerciée de La Comédie-Française, surgit d’emblée de la pénombre pour imploser son personnage maternelle à l’instar d’une bombe à retardement programmée sur le règlement du solde de tout compte artistique selon une interprétation à vif au plus fort de l’exhibition extravertie.

A l’inverse opposée, prenant le parti du charme ravageur et machiavélique mais bien consciente de son magnétisme qu’elle peut doser à volonté du maléfice à la bienveillance selon son gré et son humeur, voici la prodigieuse Maria de Medeiros qui dans une immense palette de subtilités à peine perceptibles endosse le « beau rôle » de cette tragi-comédie, celui de diviser ou de rassembler les forces libidinales prêtes à tous les exploits… selon sa simple détermination royale.

Muni de ses deux locomotives féminines magistrales, le convoi nuptial peut s’ébranler cahin-caha, alors qu’à chaque nouvel aiguillage les trois autres partenaires vont se rendre compte que leurs rôles sont délibérément passés à l’essorage incitant à l’initialisation des affects pour tenter d’espérer un retour en grâce de la destinée.

En conséquence, le mari volage pourra peut-être s’affranchir des fourches caudines en s’achetant une rédemption inattendue pourvu qu’il accepte de se mettre en retrait d’un jeu inutilement cruel voire même d’adopter un esprit de coopération salvatrice.

Charles Berling qui a une nette propension à savoir manier le contre-emploi est parfait pour régenter un tel revirement à géométrie variable.

Reste le couple de tourtereaux qu’il aura fallu ajuster sur mesure en le prenant suffisamment inexpérimenté pour être pleinement crédible, c’est Lola Créton qui doit, à ses dépens, accepter d’être sacrifiée comme dans les grandes tragédies grecques tout en pressentant dans les fibres de sa prestation que cette foncière injustice pourrait se contenter d’un bizutage à savoir assumer la tête haute.

Enfin mais surtout pas le moindre, Michel, le fils tant adoré de sa mère, va parcourir toutes les étapes du chemin de croix qu’un jeune adolescent bien né sous tout rapport se doit de franchir s’il veut être à la hauteur de l’appartenance à son milieu d’origine: Aussi qu’Emile Berling soit le digne fils de son père autant à la ville qu’ici ensemble à la scène, quoi de plus légitime ?

Le flambeau est bel et bien transmis et marque indéniablement cette mise en scène d’une aura à nulle autre pareille.

Ainsi, Christophe Perton aura formidablement réussi l’œuvre alchimique relevant du miracle essentiel que le spectacle vivant espère, de manière récurrente, applaudir à chaque création d'envergure.

Theothea le 06 mars 2023    

      

                            

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LE CÔTÉ DE GUERMANTES

"Le Côté de Guermantes" De Proust à Honoré... Zoom de Marigny jusqu’à La Comédie-Française

              

d'après Marcel Proust

mise en scène  Christophe Honoré 

avec   Claude Mathieu, Anne Kessler, Éric Génovèse, Florence Viala, Elsa Lepoivre, Julie Sicard, Loïc Corbery, Stéphane Varupenne, Sébastien Pouderoux, Dominique Blanc, Jennifer Decker, Laurent Lafitte, Yoann Gasiorowski, Les comédiennes et comédiens de l’académie de la Comédie-Française, Vincent Breton, Olivier Debbasch, Yasmine Haller, Alexandre Manbon & Romain Gonzalez

   

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La Comédie-Française

Salle Richelieu

      

© Jean-Louis Fernandez, coll. Comédie-Française

                                    

       

C'était une autre époque sous perspective de "confinement" à l'automne 2020 où La Maison de Molière avait prévu ses travaux de réfection impliquant que la création de Christophe Honoré sous format "spectacle vivant" se ferait au Théâtre Marigny avec, en prime, l'avantage de pouvoir ouvrir son immense porte de fond de scène sur les jardins où le jeune Marcel Proust avait connu ses premiers émois de jeux d'enfants.

L'ensemble de ces représentations d'alors suspendues à l'épée du Covid ont encore, jusqu'à ce jour, le goût des madeleines distribuées dans le hall d'entrée au dire des privilégiés qui connurent ces moments magiques où le charme d'antan rejoignait ainsi la réalité de ces jours incertains.

Mais voici donc qu'en ce prélude du printemps 2023 débute un nouveau cycle d' "A la recherche..." dans le Saint des saints « La salle Richelieu », alors que son public pourrait spontanément avoir envie de considérer cette reprise comme la véritable création de Christophe Honoré puisque, si les madeleines ont bel et bien disparues de l'accueil mémoriel, il s'avère que la scène du Français y est exclusivement dévolue à la réminiscence active plutôt qu'à l'éventuelle survivance de lieux fondateurs, fussent-ils arborés.

C'est ainsi, en effet, que l'Art du Théâtre peut atteindre les sommets, notamment lorsqu'il côtoie ce qui donne vie à ce qui n'est pas (ou plus) tout en sachant distiller au mieux l'ensemble des vraisemblances.

En effet, il s'agissait bien dans l'intention initiale du metteur en scène de faire participer, aussi bien les comédiens que les spectateurs, à une immersion en nécromancie pour y rencontrer non des clones ou des hologrammes contemporains de Marcel mais plutôt leurs fantômes qui, eux, auraient la force et l'intensité de nous communiquer l'âme de l'aristocratie Proustienne dépeinte de l'intérieur non par un simple observateur attentif mais davantage par ce voyeur en état d'hypnose inspirée, en l'occurrence le narrateur du happening ainsi mis en orbite.

D'entrée de jeu, le ton est donné, de la guitare acoustique de Stéphane Varupenne s'égrène la mélopée de Lady d'Arbanville et, fort du grain de sa voix, la chanson de Cat Stevens d’où, dans le lointain du hall, devrait apparaître et s'esquisser le profil de la duchesse Oriane de Guermantes (Elsa Lepoivre) pour laquelle Marcel vouait une admiration sans borne.

Ponctuant ainsi le forum mondain du XIXème siècle par des aubades en provenance des seventies, Christophe Honoré signe, ici et maintenant, grâce à des leitmotivs vintage dûment choisis, l'attrait d'une intuition imaginaire donnant prise à la mémoire affective fort prégnante chez Marcel (Stéphane Varupenne).

Entendre soudain, en ce noble équipage, la princesse de Parme (Florence Viala) entonner, mélancolique, "La Maritza" de Sylvie Vartan pourrait assurément relever d’une délicieuse transgression de plaisir inavouable au yeux de "l'intelligentsia".

D’ailleurs le réalisateur osera même "Ton style c'est ton c..." de Léo Ferré que l'artiste aurait pu contresigner par un "C'est extra..." annonciateur du "Moody Blues" final clôturant en apothéose scénographique cet aréopage classieux de la Haute société du Faubourg Saint-Germain d'où "nights in white satin" pourrait se transmuter en émerveillement pour âmes nostalgiques, par exemple, du mythique & ultime Festival de Wight 1970.

Ces entremêlements magiques d'un siècle sur l'autre auraient comme effet artistique d'actualiser l'impressionnisme des personnages sortis directement de cette écriture romanesque en abîme de façon à nous rendre ceux-ci palpables jusque dans leurs ressentis subjectifs de l'époque.

Mais voici déjà qu'officie mister Perchman (Romain Gonzalez), cet habile acteur-technicien dédié à la prise de son en direct ou plus exactement des voix de ses acolytes comédiens en ne les lâchant pas d'une semelle durant toute la représentation à l'exception momentanée de partis pris différenciés concernant la mise en espace sonore.

Comme dans une poursuite acoustique du style "La nuit américaine" à l'instar de François Truffaut s'engagerait ainsi un mano a mano entre les diseurs de Proust venus d'une galaxie évanescente et cette captation live hyperréaliste favorisant en bonus l'écoute ciblée des spectateurs in situ.

D'ailleurs, ils sont tous là réunis même Charlus (Serge Bagdassarian) le baron décalé.... car "Elle va mourir la Mamma" la grand-mère (Claude Mathieu) de Marcel… dans le hors-champ des coulisses, côté cour, en direct live vidéo sur grand écran mobile retransmettant sa lente agonie respiratoire... ce qui, au sein de l’œuvre littéraire, pourrait constituer les 100 meilleures pages de l'écrivain, commentent certains aficionados.

C'est ainsi, Christophe Honoré témoigne ici avec les outils d'aujourd'hui et les spectateurs, eux, se font leur « cinéma personnel » avec les précieux mots d'hier recueillis par le microphone à l'extrémité de la fameuse perche.

Le ballet peut donc commencer, place à la chorégraphie des compositions d'acteurs attendues de manière bien légitime:

Charles Swann (Loïc Corbery), le marquis Robert de Saint-Loup (Sébastien Pouderoux), la marquise de Villeparisis (Dominique Blanc), le duc Basin (Laurent Lafitte), la Comtesse de Marsantes (Anne Kessler) & tous les autres déjà annoncés ici ou pas...

Chacun aura son moment de gloire éphémère; comme dans un rêve récurrent se remémorant en boucle infinie cette quête évolutive passant, en alternance, du temps perdu à celui retrouvé.

Le côté de Guermantes étant réputé plus aventureux, voire inaccessible que celui du côté de chez Swann davantage aisé, voici donc l’enjeu programmé au- delà de l'ex-vaste ouverture donnant sur les jardins de Marigny alors que désormais, en salle Richelieu, le spectateur "clairvoyant" s'applique à son tour pour apercevoir, avec succès, la nouvelle venue là-bas au fond du hall... mais oui, c'est bien elle, la sublime Oriane, la duchesse de Guermantes !

Theothea le 14/03/23

   

   

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